A l'instar de nombreux réalisateurs contemporains majeurs (Scorsese, Coppola, Mann, Gray, Cronenberg...), Ridley Scott laissera donc lui aussi à la postérité son film de gangsters.
"American gangster" ne restera pas dans les annales comme le plus réussi du genre, ni comme mon préféré, mais demeure une assez belle réussite, notamment en raison de son riche arrière-plan historique.
Car le héros choisi par l'aîné des Scott présente la particularité d'être black, ayant démarré son ascension pendant la guerre du Viêt-Nam, bénéficiant de la complicité d'officiers basés sur place pour rapatrier l'héroïne dans les cercueils des soldats américains.
Frank Lucas, personnage ayant réellement existé, était devenu l'homme de confiance du vieux Bumpy, premier parrain noir de Harlem, et à la mort de ce dernier, Lucas "hérite" de son empire.
Ayant assimilé les leçons de son mentor, Lucas compartimente si bien ses affaires et sa vie privée qu'il mène publiquement une vie de bon citoyen, accompagnant sa mère à la messe le dimanche, et distribuant des dindes aux plus démunis pour Thanksgiving.
De façon très classique, on assiste donc à l'ascension puis à la chute de ce gangster d'un genre particulier, et à sa traque par Richie Roberts, son exact opposé, flic incorruptible mais père et mari exécrable.
Pour corser ce face à face entre deux grands acteurs hollywoodiens, Denzel Washington et Russell Crowe, l'histoire place sur leur chemin un flic pourri joué par Josh Brolin, qui incarne la corruption à grande échelle de la police new-yorkaise dans ces années 70.
La reconstitution d'époque s'avère plutôt réussie, malgré une photo grisâtre inévitable pour illustrer les bas-fonds de Harlem. En outre Ridley Scott sait tenir une caméra, ce qui nous offre une mise en scène efficace, agrémentée de quelques moments de bravoure (comme l'intervention des flics sur les lieux de fabrication).
La trajectoire de Frank Lucas ne manque pas d'intérêt, entre l'ambiance d'époque, l'arrivée de l'héroïne Blue Magic sur le marché (coupée une seule fois au lieu de quatre) et les dégâts occasionnés sur toute une génération (même si Scott ne s'attarde pas trop sur ce point), ou encore la prise de conscience tardive des autorités pour endiguer le fléau.
Mais en dépit de ses qualités, "American gangster" n'emporte pas complètement l'adhésion, et ce pour une raison principale à mon sens : sa durée excessive.
D'une manière générale, je reconnais que je ne suis pas très à l'aise avec les films qui dépassent allègrement les 2H - 2H15, ma propre concentration atteignant alors une forme de saturation.
Mais certaines fresques peuvent nécessiter un tel traitement (récemment, "Le loup de Wall Street" ou "La vie d'Adèle", dans des registres très différents).
Dans le cas d'"American gangster", je pense que cette durée dessert le film, qui comporte pas mal de longueurs.
Voilà donc une œuvre ambitieuse qui mérite le coup d'œil, mais qui n'atteint jamais l'ampleur et la folie d'un "Goodfellas", pour citer la référence ultime du film de gangsters.