Un film qui a fait couler beaucoup d'encre, ce qui peut se comprendre. D'un côté, on ne peut renier une fois de plus le talent de Clint Eastwood comme réalisateur : c'est précis, sobre, maîtrisé et capable de créer un suspense de dingue avec le minimum d'effets : pas de doute, c'est du travail de très grand professionnel. De plus, Bradley Cooper livre une prestation très habitée et convaincante pour interpréter ce soldat que le réalisateur a pris soin de ne pas montrer comme un surhomme, toutes les scènes représentant son traumatisme post-guerre en Irak s'avérant d'une belle justesse.
Là où l'œuvre pose un problème, c'est lorsqu'on connaît la vraie personnalité de Chris Kyle, raciste et se vantant d'avoir tué femmes et enfants durant le conflit, son seul regret étant « de ne pas en avoir tué d'avantages », part d'ombre sur laquelle Eastwood fait totalement l'impasse. Si bien que l'on se demande pourquoi avoir adapté les mémoires de Kyle et non pas écrit un scénario avec un vrai personnage de fiction, ce qui aurait rendu l'œuvre moins polémique et discutable. L'auteur d' « Impitoyable » avait l'occasion de signer le premier grand film sur la guerre en Irak et ses conséquences désastreuses : il ne l'a pas fait. Bref, irréprochable sur la forme (hormis quelques petites fautes de goût et un générique propagandiste à hurler), nettement plus discutable sur le fond, « American Sniper » a au moins le mérite de ne laisser personne indifférent, et reste donc à voir.