Dès les premiers instants d'Ana mon amour, nous y sommes : le film est roumain, aucun doute là dessus. Dialogues incessants, structure narrative exigeante, climat étouffant, intensité permanente. Le cinéma de Bucarest, de ladite nouvelle vague, n'est pas de ceux qui laissent de l'espace pour respirer, Calin (prénom prédestiné) Peter Netzer, déjà remarqué avec son troisième film, Mère et fils, est du genre monomaniaque qui ne lâche jamais son morceau, à savoir son sujet, et ne se permet aucune digression, filmant la plupart du temps en appartement et exclusivement le couple qu'il a entrepris d'analyser durant 10 ans, même s'il est parfois accompagné de la famille, d'amis, d'un psychothérapeute ou d'un prêtre. Exigeant, oui, c'est le mot qui convient pour ce voyage abyssal dans l'intimité d'un duo amoureux qui vogue droit vers le naufrage. A croire que Netzer pense que les histoires d'amour finissent mal en général et il ne laisse planer aucune incertitude sur la question dans une forme glacée et quasiment dénuée d'émotion. Complètement déconstruit sur le plan temporel (sans la calvitie progressive de son héros, nous n'aurions aucun repère), le film enchaîne les scènes sans préambules et sans explications, c'est au spectateur de combler les blancs, tâche qui n'est pas impossible, faut-il le préciser, mais qui requiert une attention de tous les instants. Ana, donc, et Toma se rencontrent et se marient (pas d'images de leurs premiers regards échangés ni de cérémonie, évidemment) : elle a des problèmes, il est là pour la protéger. Le rapport va s'inverser avec l'entrée dans la vie active et tout va se dérégler. Le caractère social d'Ana mon amour n'est pas au premier plan, mais il existe bel et bien et constitue un des points forts du film, autant sinon plus que son aspect psychanalytique, qui peut apparaître comme une solution de facilité et ne fait que souligner ce qui est par ailleurs suggéré. Une poignée de scènes sordides et complaisantes gâchent un peu l'ensemble mais globalement Ana mon amour s'inscrit dans le haut du panier d'un cinéma roumain qui commençait à ratiociner, au moins sur la forme (Baccalauréat, Sieranevada).

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le 23 juin 2017

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