Météo : neige. Lieu : alentours de Grenoble, chalet isolé. Lieu.x : salle d’audience, probablement Grenoble, aussi. Contexte : interview. Bande sonore : P.I.M.P., de 50 cent / proxénète à cinquante centimes. Reliques physiques : une traînée de sang dans la neige, un coup fort sur le crâne, une fenêtre ouverte. Récit : une chute.

Qu’est-ce qu’une anatomie ? L’étude d’une structure : organes, corps, éléments, organisés dans l’espace, intercorrélés. Faire l’anatomie d’une chute, c’est donc étudier comment un corps – celui de Samuel – entre en interaction avec d’autres corps : une fenêtre, un toit, un sol. Un autre être humain. Peut-être une femme. Sa femme. Un coup ? Une histoire. L’histoire d’un coup ? L’histoire d’un couple. Anatomie d’un couple. L’anatomie, non seulement physique, est alors aussi psychique, mental, historique, intangible. Faire l’anatomie de l’Anatomie d’une chute, c’est donner à la chute une autre anatomie : où se situe la vérité quand la science échoue à se positionner ? L’un dit l’un, l’autre dit l’autre, personne ne sait, chacun se toise, la vérité se suspend. Vérité, sinon celle que l’on s’échange, celle que l’on se recréée. L’anatomie, c’est non seulement cette vérité physique, mais aussi une fabrication : celle d’un chaos. Quoi de mieux que des mots, des lignes, des images, face à un nœud polysémique – le centre d’une galaxie de pensées où l’anatomie même du réel perd sa texture imaginaire, car au fond, qu’est-ce qu’elle est sinon l’addition d’un sac de vérités.

Que chercher lors d’un procès ? Une vérité, une culpabilité, un mobile. Un réel. Le procès est alors une anatomie, l’anatomie d’un chaos, d’une chute. Quelle chute ? Celle, vertigineuse, de nos repères, de nos grilles de lecture. L’anatomie de nos anatomies de lecture. Ce labyrinthe, infini, vertigineux, fait perdre pied, il reformule une grammaire : faire l’anatomie d’une chute, c’est déconstruire nos propres constructions, nos propres faiblesses, nos propres projections. Ici, rien de moins qu’une galerie d’inconnu.e.s qui perdent pied ou se mettent faussement en scène face à l’anarchie d’un réel immuable, déstructuré, indéfinissable. Sa fatalité, sévère, est qu’une victoire n’est qu’une défaite, et qu’une défaite n’aurait même pas été une victoire ; les monuments ne sont que des faits divers, et le divers ne sera, jamais, qu’un monument.

Vivienn
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le 7 sept. 2023

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