Perdre au jeu
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J’attendais « Anatomie d’une chute » de Justine Triet, palme d’or 2023, avec beaucoup d’impatience. Le film, précédé d’une réputation très flatteuse, tient de fait toutes ses promesses tant il parvient à tisser une toile implacable et démontre à chaque instant une maestria (non démonstrative) dans sa mise en scène. Tout ici n’est que précision quasi chirurgicale sans jamais tomber dans la froideur ou dans la vision surplombante.
Ainsi le scénario co-écrit par la réalisatrice Justine Triet et Arthur Harari adopte une froideur qui est celle de l’institution judiciaire pour mieux la contrecarrer et mettre à jour les défaillances d’un système entièrement construit pour remettre au pas qui sortirait de la norme. Effectivement, l’innocence ou la culpabilité de Sandra Voyter (formidable Sandra Hüller) n’est pas le cœur du film mais réside davantage dans la construction par la justice, l’opinion, l’avocat de la défense, l’avocat général et même le fils du couple de discours pouvant faire émerger des vérités contradictoires. De fait tous les discours prononcés dans le film sont ambiguës car forcément pour tout ou partie fictionnels.
Ainsi, dès la scène d’ouverture Justine Triet met en place à la fois le trou qui ne sera jamais résolu en invisibilisant le mari, Samuel, qui vient perturber l’interview de sa femme écrivain en mettant la musique à fond. Elle construit également dans cette scène d’introduction remarquable, en quelques plans, les rapports conflictuels entre un mari qui jalouse le succès littéraire de sa femme. Il est d’ailleurs bien souvent relégué hors champs par rapport à une Sandra qui est plus accomplie dans sa vie professionnelle et plus libre dans sa vie sentimentale que lui.
« Anatomie d’une chute » va ainsi tenter de combler ces quelques minutes qui ont entraînées la mort de Samuel par différentes fausses pistes. Une reconstitution policière, un dialogue dans la maison avec son avocat, le témoignage changeant du fils aveugle,… Tout cela ne sert qu’à rendre la vérité sur ce qui s’est passé d’autant plus brumeuse et incertaine. C’est pour cela que l’accusation portera ses coups non plus sur les faits et les preuves matérielles mais sur la personnalité de Sandra et autour d’un enregistrement audio par Samuel d’une dispute 24 heures plus tôt qui ne prouve rien.
C’est d’ailleurs dans la mise en scène de cette dispute que réside peut être l’unique défaut du film de Justine Triet. Le choix de nous la montrer sous forme de flash-back au lieu de nous la faire entendre dans l’enceinte de la salle d’audience. Pour le reste on tient la quasiment un chef d’œuvre.
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Créée
le 31 déc. 2023
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