Carrière singulière que celle de David Lowery, réalisateur d'un premier film prometteur aux accents malickiens en 2013, « Les amants du Texas », puis le remake de « Peter et Elliot le Dragon » dans le giron de Disney avant de revenir en 2017 avec « A Ghost Story », film de fantôme d'une épure radicale, suivi d'un film de vieux gangster avec Robert Redford, « The Old Man and the Gun » et qui est actuellement en plein tournage d'un nouveau remake Disney (Peter Pan).
« The Green Knight » adapte le roman de chevalerie de la fin du XIVème siècle « Sire Gauvain et le Chevalier vert » en restant fidèle aux étapes du récit mais en modernisant le personnage de Gauvain, chevalier des légendes arthuriennes moins entré dans la culture populaire que Lancelot ou Perceval, fils du roi Lot et de Morgause (véritable fée Morgane ici) et traditionnellement parangon de vertu chevaleresque, mais ici en lutte entre le fait de vouloir devenir chevalier et son amour incompatible avec son idéal chevaleresque pour une prostituée. Le film est entièrement construit sur la dualité de son personnage principal, ivre de gloire mais qui se vautre dans la luxure, se rêvant preux chevalier mais qui regrette sa quête à peine sur les routes, enfant gâté se rêvant héros mais qui défie le Chevalier vert la peur au ventre.
Le film parvient à épouser la forme des poèmes épiques du Moyen-Age, fait de segments chapitrés et d'ellipses tout en réécrivant un héros profondément moderne, écrasé par la gloire de ses aînés et errant dans un Royaume ravagé, sans vie, morbide à l'exception d'un pillard qui erre au milieu des cadavres et d'un seigneur, de sa dame et de sa mère, seuls en leur château et derniers tentateurs avant la fin d'une quête qui ne peut, a priori, menée que vers la mort. Ces visions transforment le film en poème eschatologique à la beauté plastique stupéfiante dans lequel chaque plan est une enluminure merveilleuse.
Un très grand film.