Il semble exister une sorte d'embargo autour du Festival de Cannes. Alors que celui-ci semblait un peu plus rigoureux et moins « élitiste » (avec de très gros guillemets!!) ces dernières années, le voilà à nouveau plongé en plein entre-soi, à l'image d'une sélection qui pourrait être celle de 2003 qu'on ne verrait presque aucune différence. Dans ces conditions, difficile d'attendre un Palmarès enthousiasmant ou même évocateur pour des spectateurs « normaux », ce qui n'empêche pas de potentielles belles découvertes, nous sommes d'accord.

« Anatomie d'une chute », donc. J'avais aimé « Victoria », pas trop « Sibyl » de l'amie Justine Triet, j'y allais donc de façon presque totalement neutre, ravi (comme Triet, sans doute!) que l'on parle enfin de cinéma et non de polémique cannoise (que je trouve presque aussi nulle que celle entre Michel Sardou et Juliette Armanet, et sachez que je trouve celle-ci immensément lamentable).

Déjà, bonne nouvelle : c'est beaucoup, beaucoup mieux que « Sans filtre » (l'inverse eut été effectivement très inquiétant!). J'irais jusqu'à écrire que c'est un bon film, sans doute un peu trop long, notamment cette mise en place m'ayant paru bien démonstrative ou encore cette

looongue dispute entre le couple,

mettant, je l'admets, bien en lumière le conflit qui traversait ce dernier. Le scénario est assez bien mené, construit, précis, jouant de l'ambiguïté de son héroïne (Sandra Hüller, très convaincante) comme de quelques mises en abyme « littéraires » pour laisser constamment le spectateur dans le doute.

Assumant son côté « film de procès » tout en lui donnant une touche nettement plus naturaliste, moins « spectaculaire » qu'outre-atlantique, la réalisatrice parvient à se montrer intéressante, l'ambivalence des différents personnages et la pertinence des différents discours tenus, qu'il soit à charge ou non. L'occasion, sans doute, de rappeler aussi aux spectateurs la subjectivité du septième art, son sens caché, l'interprétation que l'on peut donner à telle scène, telle image, et ce jusqu'à la dernière minute ici.

Je comprends qu'après avoir lu ceci, vous soyez surpris de mon manque de générosité. D'ailleurs, j'avoue que moi aussi, je me dis que cette note est peut-être sévère. Mais j'avoue ne pas avoir pris énormément de plaisir devant « Anatomie d'une chute ». Ce n'était pas forcément le but, d'accord. Reste que si cette histoire, à plusieurs reprises rythmée par ces quelques notes de piano vous restant longuement en mémoire, ne m'a pas non plus captivé. Cette logique du « réel », à laquelle la réalisatrice avait jusqu'ici plutôt bien échappé, la rattrape totalement ici.

Scènes longues, très dialoguées, très précises... Je comprends que l'on apprécie, mais pour moi, sur 2h30, c'est un peu trop, surtout plongées dans une esthétique, là encore, presque documentaire, « morne », que je ne trouve, pour le coup, pas très cinématographique (du moins au sens où je l'entends!). La Palme d'or 2023 mérite t-elle d'être vue ? Probablement. Justifiait-elle une telle récompense ? J'en doute.

Ce n'est donc pas encore cette année que le « plus grand Festival du monde » (qui, faut-il le rappeler, récompensait il y a quelques décennies, pour ne citer qu'eux, « Le Poison », « Le Salaire de la peur », « Taxi Driver », « Apocalypse Now », « Missing », « Mission », « Pulp Fiction ») retrouvera beaucoup de crédit à mes yeux, ce qui, une fois de plus, ne remet pas en cause les réelles qualités d'une œuvre ayant au moins le grand mérite de susciter réflexion et interrogation à la fin du visionnage : bon film, oui, grand film, non.

Caine78
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le 29 août 2023

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Caine78

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