Auréolé d'une Palme d'Or en mai dernier, il ne va pas sans dire que le dernier film de Justine Triet, "Anatomie d'une Chute" était attendu au tournant.

L'année dernière, la Palme avait été décerné à "Sans Filtre" de Ruben Östlund, que j'avais détesté de bout en bout pour ses propos insipides et qui enfonçait des portes déjà grandes ouvertes sur la lutte des classes.

Film à l'humour soi-disant féroce et qui dénonçait au vitriol le mode de vie des ultrariches mais sans ne jamais provoquer de réels questionnements intéressants dans son film. Ca ressemblait plus à une purge qu'un film proprement jouissif

Pourquoi est-ce que je vous parle de Sans Filtre dans une critique destinée au dernier film de Triet ? Parce que cette année, le président du jury cannois n'était personne d'autre que... Ruben Östlund.

Je partais donc avec quelques appréhensions concernant la qualité de cette Palme d'Or, sans compter que j'étais complètement étranger du cinéma de Justine Triet.

Ah, les a priori....

Fort heureusement, mes craintes furent rapidement dissipées une fois le film commencé.

Anatomie d'une chute est un très bon film, doté d'une récit brillamment écrit à deux mains, celles de Triet et de Arthur Harari, couple dans la vie de tous les jours.

Cela peut vous paraître anecdotique mais il s'agit d'un détail qui a son importance comme Anatomie d'une Chute est un film sur un couple d'intellectuels, où l'enfant malvoyant de ce dernier retrouvera le corps inanimé de son père après avoir promené son chien et ce dès le début du film.

Il est difficile de ne pas y voir ici une mise en abime de leur relation de couple. Encore plus qu'il est évoqué dans le film que la frontière entre le réel et l'imaginaire est souvent ténue. Le réel étant le carburant du fictif.

Suite à ce décès, il s'en suivra alors une enquête puis un procès ,haletant, où l'on essaiera de faire la lumière sur de nombreuses zones d'ombre entourant la mort de cet homme.

A-t-il été tué par sa femme ? S'est-il donné la mort ? Ou bien n'était-ce qu'un "simple accident" ?

On verra alors défiler experts en tous genres pour tenter de répondre à cette épineuse question, éminemment complexe, mais qui fait le lot de très nombreux procès : Comment faire éclater la vérité sans témoins directs extérieurs et où la principale concernée est à la fois témoin et suspecte ?

Or, dans un procès, chaque détails, aussi infimes puissent-ils être, pèsent dans la balance, la cour ne pouvant pas faire parler les défunts, elle se contente d'échafauder des hypothèses ou la plus probable et crédible retreindra l'attention.

Si les acteurs sont excellents, la tension palpable et que le film est traversé par de très nombreuses réflexions pertinentes sur un tas de sujets différents (sans que ça soit indigeste), je regrette quand même le choix d'une réalisation un peu trop sobre pour un film de cette envergure, complètement verglacée et dépouillée, surtout pour un film récompensé par une Palme d'Or.

Même si sa durée est assez "conséquente", la réalisation fait, malgré tout, preuve d'un fort dynamisme et je n'ai clairement pas vu les 2H30 de film passer, surtout durant les scènes de plaidoiries, passionnées et passionnantes.

Et surtout, faire un film de procès aussi juste et qui met de côté le manichéisme, souvent propre au genre, s'avère être un véritable tour de force.

Il s'agit très clairement d'un film qui retranscrit à merveille la complexité du monde judiciaire et l'ébullition autour et au sein d'un procès.

Malgré une réalisation un poil trop sobre, Anatomie d'une Chute est un film d'une richesse sans pareille doté d'un récit fort et juste sur le déroulement de la justice avec ses forces et ses limites, bourré de retournements de situations, généreux et surtout, profondément et assurément humain.

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le 30 août 2023

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