L'histoire d'amour de Serge Gainsbourg avec le cinéma et la télévision est riche de collaborations variées, et Anna en est pourtant une majeure, bien que méconnue.
Il faut dire qu'il s'agit d'une commande, d'un téléfilm musical pour l'ORTF. Pour les plus jeunes, c’est l’ancien nom du réseau télévisuel français. Autant de « tares » qui ont poussé certains à passer à côté. Et ce serait dommage, tant il y a une personnalité, une âme, un croisement entre le côté pop et la Nouvelle vague.
L'histoire ne tient que sur un maigre fil, celui de l'improbable amour entre une jeune femme et un jeune homme car il ne tient que sur des faux semblants, ce dernier étant amoureux d'une photographie sans se rendre compte que cette jeune femme, Anna, travaille à ses côtés. Mais elle a des lunettes comme Clark Kent, c’est pour ça.
La langueur de cette relation amoureuse a d'ailleurs un esprit très Nouvelle vague, dans son traitement des sentiments. Ce n'est évidemment pas une surprise, une bonne partie de l'équipe technique en provient, tout comme ses deux acteurs principaux, Anna Karenine et Jean-Claude Brialy. Certains plans pourraient provenir de films de Godard ou Truffaut.
Et il y a le côté pop. Cette douce folie qui rythme le film, qui l'habille par à-coups. A coté d'un certain réalisme, quelques costumes, quelques décors ou quelques chorégraphies colorent le film d’une esthétique forte. Toute la sensibilité de Serge Gainsbourg est là, dans le scénario, mais aussi les musiques et les chansons. Il est accompagné aux dialogues par Jean-Loup Dabadie, bien connu comme parolier de nombreux tubes.
Anna est une belle comédie musicale, elle a le charme gainsbourg-ien de cette époque, cette légéreté si solide, sans copier les maîtres américains. Anna Karenine est une chanteuse incroyable, merveilleuse de justesse. Il ne faut pas en attendre autant de Jean-Claude Brialy, qui peine dès qu'il veut « trop » chanter, mais est plus convaincant pour chantonner les mots.
Cette incursion de la Nouvelle vague au sein de la télévision française, colorée par Serge Gainsbourg n'est pas seulement une curiosité. C'est une comédie musicale surprenante, entre mélancolie et éclats de vie, une belle et délicate chanson d'une heure et demie.