Luc Besson est-il Sissyphe, poussant son oeuvre filmique tel un rocher au sommet de la montagne pour refaire un film, pardon reproduire un film ? A ce stade de sa carrière, on pourrait se poser la question. Quand le bonhomme n'a pas son pareil pour massacrer une oeuvre existante (Adèle Blanc-Sec est encore au service de réanimation, Tardi à son chevet), il baragouine on ne sait trop grand chose (Angel-A) quand il ne réalise pas un mémorable nanar (qu'heureusement n'ayant pas encore la carte UGC à cette époque, j'avais eu une place gratuite dans un concours, sinon j'aurais eu des envies de meurtre en sortant de la salle après avoir vu LUCY). On évitera de parler de sa vision de producteur qui fait plus de mal au cinéma français qu'autre chose en produisant la majeure partie des films fast-foods, vite oubliés après qu'ils ont été bouffé. Oui ok Wasabi c'est rigolo deux secondes, oui bon. Oui, ok j'ai bien aimé Le Transporteur parce que y'a Jason Statham et Jason c'est mon héros. Je frôle une calvitie qui se rapproche de lui avec le temps. Il ne me reste plus qu'à entretenir une musculature et une classe toute british pour oser espérer le rattraper mais bon, on diverge, on diverge et comme dit Desproges, "Dix verges, c'est énorme !". (1)
Bon du coup allons-y pour une chronique qui n'en est pas vraiment une. Ah c'est rare chez moi, mais je vais un peu spoiler.
SPOILEEEEEER.
Voilà, c'est dit.
(la honte, je sais)
Revisitation de son oeuvre en mode 2.0, Anna, en plus d'être un énième film prénom-programmatique (Courage Luc, un jour tu les auras tous fait. Pour ton prochain film, je te propose après Adèle, Angela, Lucy et Anna.... Géraldine. C'est mignon Géraldine. Non ?), s'avère une magnifique copie à peine réactualisée de son NIKITA. c'est simple, pour celui qui connaît son petit Besson-movie, ANNA va jusqu'à reprendre les situations en les changeant à peine. On peut s'amuser à les repérer, tiens. Le meurtre "programmé" comme première mission dans le restaurant, c'était la tuile presque mortelle pour Anne Parillaud et c'est la même chose ici, 30 gardes du corps en plus au compteur ou 50 je sais plus, c'est assez invraisemblable à ce stade, quasi tout le restaurant en fait à éliminer en mode Terminatrix --elle a juste un an de formation et elle est déjà invincible, bravo. Quand je pense que moi en 6 ans d'aïkido j'étais toujours pas ceinture noire, c'est une honte, ah ben ça oui, mais je m'égare encore. A Montparnasse ou Saint-Lazare, allez savoir. (2)
Comment Anna est engagée par le KGB pour devenir espionne comme Nikita le fut pour la DGSE ? Même scène, à peine modifiée. Pourquoi se fouler quand les remakes existent pour éviter de se casser le cul à regarder des films pas trop récent, c'est vrai hein. Cette fois c'est plus un casse de pharmacie qui tourne mal, mais, libéralisation oblige vu que le mur de Berlin est tombé une année avant et que Boris Eltsine arrive en juin 1990, poursuivant le dégel amorcé par Gorbatchev, un touriste et sa carte bleue qu'on essaye de faire cracher. Le résultat sera le même, ça tourne pas bien.
Dans Nikita on avait Jean-Hugues Anglade qui était l'amoureux transi qui ne savait rien des missions de sa copine. Ici on a une française, Maude, qui ne verra jamais rien venir mais elle aime sa Anna comme une folle, c'est mignon. Bon c'est la même chose mais on change le sexe de la personne pour être plus moderne (je doute qu'assumer son homosexualité était plus facile en 1990, je pense que non).
Bon on arrête de tergiverser comme si l'on avait bu une vodka trop réchauffée. Mais à ce jeu, le réchauffé on le voit d'emblée. Et cette structure du scénario en flashback dans le passé, retour au présent, puis retour dans le passé, puis retour dans le présent ensuite pour mieux t'expliquer les conséquences... Puis retour un peu plus loin dans le passé, retour dans le présent pour en voir les conséquences. STOOOOP. Même Christopher Nolan ne tente pas de se fouler à ce point à faire du scénario qui se veut couillu mais fatigue et apporte ennui à la longue en coupant toute action ou scènes qui développeraient l'histoire tranquillement. La linéarité ? C'est has-been. On pourrait pourtant essayer de faire un gros plan sur un détail, faire un travelling sur tel ou tel truc, faire durer un peu la scène pour induire un malaise... Des trucs pour faire douter le spectateur, qui ont marché chez plein de grands cinéastes... Mais non. Il ne faut pas troubler le spectateur, faut lui mâcher le travail. Quitte à avoir cette structure assez pénible qui finit qu'on s'en fout un peu du film.
Faut dire, même si l'héroïne s'en sort étonnement plutôt bien, elle n'est pas aidée par son personnage de machine indestructible. Helen Mirren, Cillian Murphy, Luke Evans font bien le job mais on arrive pas trop à s'y faire. Cela sent le gros machin huilé, bien trop huilé, aucune place à l'imprévu : les montagnes russes mais le wagon ne déraillera pas d'un pouce.
Au final, même si c'est largement moins nanardesque que Lucy et que finalement le film se regarde, on en ressort avec une impression de fade. Du déjà vu à fond qui font qu'on l'oublie très vite. Dommage Luc. Une prochaine fois. Avec Géraldine ? Ou Dominique. C'est bien Dominique aussi. Non ? Bon je sais plus moi...
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(1) Je la ressors à toutes les sauces celle-là. Pitié, achevez-moi.
(2) Non, rien, c'est juste pour la rime.