Sur le papier le film ne m’intéressait pas, je m’attendais à une œuvre prétentieuse, avec un réalisateur qui veut se faire mousser, un peu de branlette intellectuelle, et beaucoup, beaucoup d’ennui… S’il y a effectivement un peu de tout cela à l’écran (pas d'ennui, mais presque), l’œuvre n’en demeure pas moins satisfaisante en raison de sa singularité.
Romance dépourvue de strasse, d’artifice (et de feux d’artifice aussi), de baiser rédempteur et de tout le tralala qui d'ordinaire me laisse indifférent. Woody Allen nous plonge ici dans l’introspection d’un couple, disséqué devant nos yeux, comme dans une thérapie qui aborde tous les sujets d’une relation amoureuse délicate.
Je ne sais pas si Woody Allen est le premier à en avoir l’idée, mais il brise dans ce film le quatrième mur avec des personnages qui s’adressent souvent au public pour donner son sentiment sur l’instant. J’ai l’impression que le concept a été standardisé par la suite, si bien qu’à chaque fois qu’un personnage s’adresse au public il s’agit fréquemment d’un petit génie ou d’un excentrique, j’ai plein d’exemples qui me viennent en tête, mais comme je ne saurais pas remettre les noms sur les visages je ne les citerais pas. Le personnage d’Alvy Singer réunit ces deux caractéristiques.
J’ai aimé l’étrangeté de cette histoire, qui peut être décrite sommairement, mais qui ne l’est pas tout à fait. J’aime cette intimité avec le public, le fait que Woody Allen essaie d’aller au fond des choses, qu’il s’éparpille puis retombe sur ses pattes à la fin, avec beaucoup d’aisance. J’ai bien apprécié la parenthèse animée, avec la méchante reine de Blanche-Neige.
J’ai trouvé les personnages touchants. Je dois dire que je me suis même reconnu dans le personnage d’Alvy, et ça m’a beaucoup inquiété… J’ai apprécié l’acteur. C’est la première fois que je vois un de ces films, et la première fois que je le vois jouer (si l’on excepte son intervention dans la parodie de James Bond qui n’est pas franchement significative), et je l’ai trouvé plutôt agréable, malgré une tendance à l’exagération qu’on finit par oublier au fil du film. Diane Keaton est agréable, j’ai aussi passé un bon moment avec elle.
Il y a beaucoup de choses que je n’ai pas aimées dans ce film. Il s’agit d’un éternel monologue qui ne nous laisse pas le temps de reprendre notre respiration (et encore j’ai eu l’occasion de voir le film en deux fois, fort heureusement, le visionner d’une traite doit être assez épuisant). Le rythme n’est pas fou, même si on ne s’ennuie pas. Je dirais que c’est monotone, sans être lent. La relation entre les personnages tourne un peu en rond, ce qui est un peu barbant par moment. L’humour n’a pas toujours fonctionné sur moi, excepté le coup de la cocaïne. Les dialogues se savourent, mais il y a tellement de débit qu’on passe à côté de la moitié d’entre eux. Certaines séquences superposent plusieurs dialogues dans un même temps, avec un écran scindé en deux, c’est une fausse bonne idée, qui personnellement m’a fatigué le cerveau.
Ce que j’ai le moins aimé dans ce film c’est qu’il se prend trop au sérieux, avec une complaisance désinvolte qui semble nous dire : « Regardez comme je suis intelligent et comme vous, vous êtes bête ! ». Je ne saurais l’expliquer plus clairement, parce que je ne suis pas un analyste (je me contente de vous donner mes impressions), mais j’ai trouvé ce spectacle presque démagogique à l’égard d’un certain public plus cultivé, l’élite des cinéphiles, aussi je crois qu’il est de bon ton d’aimer ce film si on ne veut pas passer pour un ignare…
Voilà une romance qui ne fait pas vraiment rêver, mais qui remet les choses à leurs places, à savoir qu’on ne devrait pas jouer sa vie sur des unions et des ruptures. Tout cela apparait plutôt insignifiant. Si l’on parvint à se montrer intelligent et raisonnable, il ne sortira de ces expériences que du bonus. C’est en tout cas ce que je retiens du film. Je n’en ferais pas mon film préféré, mais je n’y ai pas été insensible. Je suis d’accord pour dire qu’il s’agit d’un film remarquable, par sa forme, son audace, son originalité nonchalante qui tord le cou aux modèles établis. Oui, c’est un chef-d’œuvre du cinéma. Je suis d’accord pour reconnaitre tout cela, mais je n’ai pas passé un moment inoubliable, je n’en sors pas non plus avec une nouvelle vision de la vie et du monde, même s’il est vrai que l’œuvre titille quelques réflexions, je l’ai trouvé bien, juste bien.