S'agripper au corps pour faire jouir. Mais où se loge la vérité ? Baker nous donne la réponse souvent à l'écran, l'arrière-plan ouvre à plus. Pourquoi Diablotine ne cesse de se précipiter, de se vendre, et hurler à tout va pour solutionner sa détresse ? Car elle refuse d'être un élément du décor, un autre qui se joint à ceux qu'elle côtoie au quotidien. Ses camarades, puisqu'il s'agit bien d'enfants (le détour à la screwball comedy en atteste), s'acceptent sans broncher. Mais elle persiste. Il faut se justifier, trouver sa place et sa valeur pour que sa vie ait un sens. Annuler un mariage ou annuler sa volonté est inconcevable.
Anora capte les troubles de la modernité, où tout va et vient dans le mouvement euphorique pour revenir au point de départ. En voiture, un type moins bien troussé que les autres veut converser. Le milieu dans lequel il vit est probablement misérable. Son regard inspire pourtant la tranquilité, spectateur de la cacophonie qui se renouvelle. Le film est fait de contrastes en tous points. D'abord l'image où les couleurs saturées en boîte ou pendant les fêtes disparaissent au lendemain, plus grisâtre. Puis ces dialogues incessants jusqu'à parler pour parler à en vomir. Anora fait plaisir mais se désincarne. Il en faut davantage pour son amant donc elle doit en faire de même. En extérieur, les cadres la laissent respirer. Une autre attraction s'anime, ce qu'elle oublie : la vie des étrangers, les attractions communes, la pauvreté et son travail originel.
Pendant une première heure, le cinéaste emploie des images véhiculant la grossièreté (souvenez-vouz Spring Breakers) sans jamais la renier. Les scènes de sexe s'enchaînent, elle paraît heureuse et se laisse porter. Que représente cette relation ? Un plaisir du moment, cadré par des conventions de styles (musique, classes sociales, et romance) à refaire Pretty Woman. L'art d'épouser son sujet pour l'éclater ensuite. Il en était un peu de même pour Starlet du même auteur, Baker privilégiant alors un point de vue plus recentré sur son personnage féminin.
Cette proposition drôle et émouvante touche au réel d'une époque fragmentée par le souci de consommer. Si désir de possession il y a, pour tous ou presque, chacun se rend à l'évidence. La protection ne s'achète pas, elle se définit dans la durée à la manière de contrats, actes sexuels, et autres professions ébranlées par leurs systèmes. Tout est à revoir afin de lier le conte au drame contemporain.