Bonjour tout le monde,
Je viens de découvrir un excellent texte à propos du film " Anora" et je vous invite à lire un extrait de ce papier si pertinent :
" ...........Il y aurait, dit-on, 28 pays dans le monde possédant un drapeau tricolore bleu, blanc, rouge. Ce sont des couleurs qui vont bien ensemble : elles ne sont pas complémentaires, elles sont vestimentairement faciles à associer, etc – le rouge et le bleu sont, aussi, deux couleurs primaires (la troisième étant le vert, ou le jaune). On sait également que les couleurs du drapeau français, comme de tous les drapeaux, n’ont pas d’interprétation fixe, sinon mythique ; on sait que les couleurs n’ont jamais de signification univoque, plutôt des connotations.
Le bleu, le blanc et le rouge sont les couleurs d’Anora de Sean Baker – dès le générique, où les corps quasi-nus des danseuses sont teintés par des lumières chromatiques tantôt rouges, tantôt bleues, alors que le titre clinquant, brillant, du film, s’affiche, en gros caractères rouges. Trois couleurs qui participeront à la composition des plans du film, trois taches qui couvriront sans cesse l’écran – le bleu de la nuit, le rouge de l’écharpe, le blanc de la neige qui, petit à petit, alors que l’on s’enfonce dans l’hiver new yorkais, s’infiltre dans les plans, jusqu’à ce final depuis l’habitacle d’une voiture garée dans une ville couverte d’une fine couche blanche.
On gardera donc les couleurs de ce film tricolore comme celles de quelques drapeaux qui forment le fond de ce film : le drapeau américain évidemment, le drapeau russe aussi.........".
(Extrait de " Anora, Sean Baker
Bleu, blanc, rouge",
Une critique de Pierre Jendrysiak, du 30 octobre 2024 , parue sur debordements.fr).
Je souscris,tout à fait, à ces mots irréductibles pour un film radical et politique au sens fort!
Or donc, la palme d' or, au festival de Cannes du printemps dernier, est bien méritée car cette œuvre cinématographique met en lumière une danseuse érotique face à un fils de milliardaire, d'une part , et en regard du pouvoir financier et de sa contingence ignoble et salace d' autre part.
"Les personnages de travailleurs du sexe sont récurrents dans vos films. Pourquoi cet intérêt, et pourquoi reviennent-ils encore dans Anora ?"
La réponse du réalisateur :
« L’un des thèmes centraux d’Anora, c’est le manque de respect pour les travailleurs du sexe, cette exclusion totale de leur humanité. Dans le film, la jeune femme n’est jamais prise au sérieux ; elle est privée de ses espoirs, de ses rêves et de sa vie. Cela montre à quel point on peut les traiter sans égard".
( Extrait d'une interview de Sean Baker, réalisateur de ce film tranchant et politique).
La première partie peut ressembler à "Pretty Woman" en mode plus aiguë puis nous plongeons , en seconde partie, en mode comique et tragique ce qui induit une forte intensité visuelle et magistralement filmée !
Cet ouvrage artistique,Anora, peut s' évoquer avec un acrostiche assez peu poétique je le reconnais évidemment :
- A comme amour équivoque et illusoire,
- N comme naviguer en eau trouble dans les marais, monstrueux et perfides, du grossier argent face à une travailleuse des danses érotiques, jeune et enjouée,
- O comme odyssée d' Anora en pays mental de plus en plus hostile,
- R comme riche et irresponsable que ce fils de milliardaire,
- A comme artifice, arme, atelier du désir normé et formaté, alliance du paraître et de la force mentale, disruptive et éruptive de la très volcanique Anora.............
Sean Baker signe une œuvre cinématographique complexe, rude, sans fard, presque documentaire, âpre et qui nous brosse , en parallèle, une hideuse réalité en alternant les aspects comico-dramatiques avec la comédie humaine du quotidien en somme...............
Mikey Madison, qui incarne Anora ( héroïne atypique), nous éblouit par son jeu de comédienne particulièrement signifiant et stimulant.
Je vous indique la filmographie, uniquement pour les films sortis en salle de cinéma, de Sean Baker :
-2000 : Four Letter Words
-2004 : Take Out (co-réalisé avec Tsou Shih-ching)
-2008 : Prince of Broadway
-2012 : Starlet
-2015 : Tangerine
-2017 : The Florida Project
-2021 : Red Rocket
Et , évidemment, Anora pour cette année en cours.
Par ailleurs, il a réalisé des téléfilms , et cetera..............
Voyez - vous, cette œuvre cinématographique comporte vraiment des passages très comiques, ce qui constitue une des richesses de ce long métrage singulier et vivifiant.Toutefois, il porte un regard vraiment humain sur le personnage d' Anora, alias Ani , ce qui est à souligner et qui semble rare vis à vis du métier que ce personnage féminin exerce !
Le plan séquence finale, dans l' habitacle d' une voiture sidére, interroge, fait réfléchir, étonne,
questionne, désarçonne, déboussole. Que ressent Anora aux tréfonds de son cœur et de sa psyché malmenés par la vie quotidienne qu' elle n' a certainement pas choisie? Pourquoi des larmes ?.............Parfois, un film lié et relie les six arts plus anciens que le cinématographe. Ici, c 'est le cas de mon point de vue mais je sais que je suis partial et partiel comme nous toutes et tous évidemment !
Que pensez - vous de cette citation relative au septième art :
"Le cinéma en tant que rêve, le cinéma en tant que musique. Aucun art ne traverse, comme le cinéma, directement notre conscience diurne pour toucher à nos sentiments, au fond de la chambre crépusculaire de notre âme". (d' Ingmar Bergman).
Cette citation est-elle appropriée au film "Anora" de Sean Baker , que vous venez de recevoir en votre esprit et en votre âme qui sait ?
Cordialement.
Gérard Michel