Avec toute une filmographie qui traite des travailleurs du sexe, le dernier en date étant l’excellent Red rocket, Sean Baker revient et déploie toute sa maîtrise pour raconter l’histoire d’Ani/Anora, incarnée par une excellente Mikey Madison, stripteaseuse/escort qui rêve d’une autre vie et qui pour cela épouse le fils d’un oligarque russe, mariage vite ébranlé par l’intervention d’une famille désireuse de faire annuler cette union.
Baker continue ici de construire sa marque de fabrique, en s’intéressant aux vies marginalisées. Ce long-métrage, aussi captivant que saisissant, témoigne de la continuité de son travail, et son approche à la fois drôle et touchante est un équilibre parfait entre l’humour et la dureté.
Fidèle à son style, Baker place ici la caméra au plus près des personnages, rendant chaque scène vivante et immersive. L’aspect visuel est soigné, avec une caméra qui capture les nuances de chaque lieu et les détails qui enrichissent cette comédie dramatique.La galerie de personnages secondaire est très réussie, et contribue énormément à l’humour, autour d’un groupe d’antagonistes/alliés, Baker renforce encore cet effet avec des moments d’intensité dramatique, donnant aux personnages une profondeur qui va au-delà de leur rôle initial.
Ce film ne se limite pas à une simple comédie dramatique/romantique, mais comme il l’avait déjà fait avec succès pour Red Rocket ; il aborde aussi les thèmes de la différence de classe et de la quête d’autonomie dans un monde dominé par le pouvoir et l’argent. Et finalement c’est cela qui fonctionne encore le mieux.Si l’on ne croit pas évidemment qu’Ani ne soit amoureuse de jeune russe caricaturalement fêtard et inconscient, l’on ne doute pas qu’elle soit prête à offre tout ce qu’elle a pour accéder à sa vie, mais tout ce qu’elle a à offrir, c’est son corps, désincarné, perdu derrière les apparences et les aspirations démesurés. Cela est parfaitement illustré par cette sublime scène finale, où elle n’arrive toujours rien à donner d’autres que son corps…