En sortant de la salle, j’étais mal et frustrée. J'étais troublée car je ne comprenais pas le message du film. Sean Baker a-t-il vraiment voulu nous raconter une histoire d'amour ? C'est en tout cas ce que suggère le sous-titre de l'affiche, donc ça devrait être au cœur du film. Mais en le regardant, on a plutôt l’impression de suivre un drame solitaire : le désenchantement d’une jeune strip-teaseuse en galère qui se sert d'un fils à papa fortuné pour vivre un rêve de conte de fées – tout comme lui se sert d'elle. Ce n’est pas vraiment une histoire d’amour. Mais alors, quel est le propos du film ? Voulait-il simplement nous montrer la vulnérabilité de cette jeune escorte ?
En effet, dans toute la seconde moitié du film, on assiste à une descente aux enfers. Le réalisateur enfonce le clou : les scènes s'étirent, les humiliations s'accumulent, et Anora, l'héroïne, est traînée de toutes parts, encore une fois, pour servir le désir des autres. À part s’énerver et lancer les insultes qu'elle a en stock, Anora se plie au jeu. Elle sait que tout est perdu d’avance, mais derrière ses crises de nerfs, son visage reste fermé, un peu naïf, comme si tout cela ne la surprenait même plus.
Bref, en sortant, je n'avais pas vraiment aimé le film. J’étais mal à l’aise d’avoir assisté à ce qui m’a semblé être une lente mise au supplice d’une femme trop insouciante. J'avais même donné la note de 6 sur SensCritique.
Puis, quelques jours plus tard, je suis tombée sur un post Instagram : un extrait montrant Anora souriante, se regardant dans le miroir avec sa bague de fiançailles quatre carats. Et là, sans savoir vraiment pourquoi, j’ai craqué. J’ai vu dans son regard quelque chose de beaucoup plus tragique. J’ai compris qu’elle savait déjà, à ce moment là du film, que ce rêve n’allait pas durer. Mais que, vivre ce rêve, même éphémère, c’était ça qui en valait la peine. J'ai pensé que c'était sûrement pour ça qu'il parlait d'amour, même s’il se vit sans engagement et sans véritable ancrage. Comme une drogue, un acte rebelle, ou un besoin d’évasion, il est vécu seul et ne dure pas.
Tout cela trouve son aboutissement dans la dernière scène, où Anora, pour la première fois, craque. Et le fait qu’il signe sa fin, en cutant sur ses pleurs, ça fait sens. Car, c’est déjà parlé d’une autre histoire. Non, l’histoire d’Anora, racontée ici, c’est celle de sa survie. Une vie dans laquelle on n’a pas le luxe de pleurer, parce qu’il faut avancer, il faut agir. Les larmes, on les laisse au spectateur.