On ne présente plus un film comme Apocalypse Now.
Délire hallucinatoire du début à la fin, film à la réputation légendaire due en partie à son tournage chaotique, florilège de scènes cultes à lui tout seul (l'introduction ahurissante sous fond d'un des meilleurs morceaux des Doors, la spectaculaire scène d'attaque héliportée avec le non moins fameux Walkürenritt de Wagner, l'arrivée totalement surréaliste dans le campement du colonel Kurtz...), le film n'a pas démérité sa renommée et témoigne une fois de plus, quelques temps après deux opus de la trilogie du Parrain, du génie intemporel de son réalisateur. Sans oublier une nouvelle prestation hypnotisante de Marlon "Motherfucking" Brando, qui malgré son obésité et le fait qu'il récite son texte plus qu'il ne le joue, monopolise l'écran à chacune de ses apparitions.
Après ce paragraphe élogieux, vous vous demandez sans doute pourquoi je lui ai mis une note aussi modeste ?
Et bien, critique à chaud oblige, je me devais de souligner un point qui m'a tout de même profondément gêné. En effet le film est connu pour exister en deux versions : une de 2h10 (la version cinéma) et une autre, beaucoup plus longue, de 3h40 (la version Redux). J'ai tout naturellement choisi de regarder cette dernière, à mes risques et périls.
Conclusion: si je comprends les critiques qualifiant le film de "trop long", je me trouve toutefois en désaccord avec celles-ci: ayant choisi comme schéma narratif le voyage initiatique, il est normal que Coppola prenne son temps pour raconter son histoire et je ne lui en tiens pas rigueur. Non, pour moi le problème se situe ailleurs, à savoir dans la cassure du rythme. Effectivement, le film alterne entre passages "apocalyptiques", comme en atteste son titre, et séquences "temps mort", plus calmes et terre-à-terre :
La seconde scène des playmates sous la pluie, Kurtz qui lit le journal à un Willard affaibli ou encore cette scène curieuse dans la plantation Française, présente uniquement dans la version Redux, où l'on ne sait pas trop si l'on doit sourire ou grincer des dents. La séquence suivante, elle, qui voit Aurore Clément se dévêtir devant Martin Sheen, a au moins le mérite de dégager une douceur et une poésie certaines, qui, si elles contrastent avec le propos sombre et cauchemardesque du film, sont plutôt agréables, tout comme celle où Willard et ses hommes se détendent en faisant du ski nautique sur I can't get no (Satisfaction) des Stones.
Choix intéressant s'il en est, ce montage a néanmoins pour conséquence de créer une rupture à la fois dans le rythme et dans l'ambiance, prenant le risque d'égarer son spectateur. Ce qui me fait me dire que malgré la richesse d'un tel récit, celui-ci n'avait peut-être pas besoin de tant de détails pour aboutir,
Surtout au vu de son chapitre final étonnement court par rapport au reste du voyage, comme en témoigne la frustration de certains dans leurs critiques : "Ah enfin, voilà Brando ! Ca va pouvoir commencer... Quoi, c'est déjà fini ??!?"
Bien que je ne regrette davantage de cette expérience totalement hors du commun, que je recommande à tout cinéphile qui se respecte pour enrichir sa culture, je ne puis considérer Apocalypse Now comme un chef d'oeuvre à cause de ces raisons, du moins pas encore.
On dit souvent qu'un seul visionnage n'est pas concluant pour évaluer un classique à sa juste valeur, qu'à cela ne tienne ! Le colonel Kurtz et sa bande d'illuminés se tiendront toujours au bout du Styx au fin fond de cette jungle des Enfers pour me faire rehausser mon jugement.