De quoi lire tout en étant bien accompagné.
Si le nom de Steve de Jarnatt ne vous évoque rien, c'est bien normal. En soi c'est un tort mais je ne vais pas jeter la prochaine pierre sachant que j'ignorais son existence vingt-quatre heures avant le visionnage du film. En 1988, De Jarnatt accouche après un travail de longue haleine de son Everest, Miracle Mile (Appel d'Urgence en français), une bombe cinématographique qui, bien que boudée à sa sortie, est aujourd'hui une perle bien rondelette. Miracle Mile fut son dernier film, à notre grand regret. Plus tard, notre Réal s'engouffrera dans l'univers des séries en s'occupant d'épisodes d'Urgence, de X-files et même de Lizzie McGuire, c'est dire l'éclectisme du bonhomme.
Miracle Mile fut projeté en salle obscure dans son format 35 mm d'origine, le tout dans le cadre de la seconde édition de Panic X Chroma, le mercredi 9 novembre et...bon sang, quel pied ! Tu te pointes au cinéma en te disant que tu allais voir une curiosité filmique comme il en existe beaucoup, t'es pas déçu du voyage, crois moi. T'en ressors avec un étrange sentiment ; tu viens de te prendre une méchante claque dans la gueule tout en demeurant frustré de ne pas pouvoir réitérer cette expérience avec une autre œuvre du trublion De Jarnatt. Sérieusement, j'en ai eu la tremblote tant le potentiel est ahurissant.
Mais je m'égare, le film t'es encore inconnu et je t'en parle sans t'expliquer de quoi il retourne, mauvaise habitude tu me perdras. Harry (le doc Mark Greene dans Urgence) est un gars ordinaire. Il se sent seul dans sa vie le Harry, rien n'a l'air de se passer sans soucis, particulièrement en amour. Un jour à son boulot au musée d'histoire naturelle de Los Angeles, il fait la rencontre de Julie, une rousse qu'il trouve fort à son goût. Une histoire nait par là et pas n'importe laquelle. Ils ont rendez-vous la nuit, après son travail comme serveuse, il ne vient pas, le réveil n'a pas sonné. Avec trois heures de retard, Harry se pointe tout de même pour ne plus y trouver sa belle. Dépité, il s'installe au comptoir et avale un morceau. Dehors, la cabine téléphonique hurle, quelqu'un appelle dans le vide, semble-t-il. Harry décroche sans mot dire, se fait agresser d'une voix empressée qui pense parler à son paternel. La voix lui parvient d'un complexe nucléaire du Dakota du Nord où des missiles s'apprêtent à être lancé sur Los Angeles. Croyant d'abord à une mauvaise plaisanterie, notre gars n'y accorde pas un crédit. Des coups de feu retentissent, une seconde voix lui ordonne d'oublier tout ça. Il raccroche et retourne se poser devant son assiette. Harry ne sait plus quoi penser, bientôt il se sent obligé de partager sa confusion au reste des clients. S'en suivra une course effrénée pour retrouver sa douce et rapidement mettre les voiles...
Pour la petite précision, Miracle Mile est un quartier de Los Angeles à la croisée de tous les chemins. Tous les milieux s'y croisent, toutes les manières de réagir à une future apocalypse s'y retrouvent. Alors que la rumeur d'une guerre nucléaire se nourrit du bouche à oreille, c'est le chaos qui va régner en maître sur la cité des anges.
Là où le film est vraiment prenant c'est par cette rencontre avec des rôles secondaires (excellents au passage) dans une ville en proie à un certain déni puis à la confusion. Harry court sans cesse d'une histoire à une autre tout en cherchant à régler la sienne, c'en établit une grande richesse. On passe entre eux et avec eux par des émotions diverses ; on rit de l'absurdité, on rit d'une violence dédramatisée par la maladresse des protagonistes, on craint la mort des uns, on angoisse de la tournure que prendra cette histoire sans jamais être convaincu que notre espoir se verra contenté. L'Incertitude nous tient en haleine jusqu'à ce que la fin nous délivre et qu'on doive vivre avec. Loin de moi l'idée d'en révéler davantage, il faut le voir (pour y croire).
Un film apocalyptique qui ne paie pas de mine pour son budget très réduit, un ressenti magique qui te transperce le cœur, tantôt l'attendrie.