"La déception est une confiance brisée sur laquelle on a bâti un espoir envolé laissant derrière regrets, tristesse et indignation". Cette pompeuse sentence n'est pas de moi. C'est Mazouz qui le dit, un sage qui distribue de manière bénévole ses réflexions profondes sur les sites de citations de Ouest France. Un type creux digne du roman "La France de Bernard" et qui, je dois l'avouer, par ses maximes se trouve à l'origine de quelqu'un de mes plus gros fous rires récents.
Il fallait bien débuter par une citation décevante sur la déception, car c'est clairement le sentiment éprouvé devant ce Miracle Mile de Steve de Jarnatt. Dégoté sur une liste des plus grandes pépites méconnues de S.C - et qualifié "d'injustice cinématographique" - il trône en tête du classement, je me suis donc rué sur le truc, c'est mon côté Emile Zola, toujours prompte à réparer l'injustice, même si elle se trouve dans le collines d'Hollywood. Et j'aurais dû me méfier du pedigree du "Dreyfus" en question. 2 films réalisés, l'autre étant Cherry 2000. ... Je vais faire abstraction de cette œuvre, pour juger celle qui nous intéresse, mais bon. Si Miracle Mile est le jumeau d'After Hours, comme j'ai pu le lire dans certaines chroniques, est-ce que Cherry 2000 est son Taxi Driver ?
MM c'est donc la nuit de folie de Harry (Anthony Edward d'Urgences), qui rencontre Julie (Marie Winninghan, abonnée au rôle de la matrone irascible de famille nombreuse dans les séries récentes). Alors qu'ils se manquent pour un rendez-vous, Harry décroche par hasard l'appel d'une cabine téléphonique et tombe sur un interlocuteur agité qui lui apprend qu'une guerre nucléaire est sur le point d'éclater, et que Los Angeles va être rayée de la carte dans l'heure qui suit.
Le type au téléphone est incarné par un acteur absolument catastrophique. C'était mal joué au point qu'on aurait dit une VF. Je sais qu'on risque de me dire que c'est fait exprès, que c'est pour filer le doute au spectateur : cet interlocuteur est-il fiable ? est-ce que c'est une blague ? le doute naît de cette prestation grotesque. Mais dès lors qu'un réalisateur mise sur un tel procédé pour tromper ses spectateurs, un sérieux problème de confiance s'instaure, du moins avec un gars comme moi. Puisqu'il ne reculera devant aucune incohérence pour arriver à ses fins, et les nombreuses invraisemblances scénaristiques auront toutes la même justification : "l'important n'est pas là mec". Mais où est l'importance au fait ? démontrer qu'en cas de menace de ce type, chacun veuille sauver un être cher ? oui, et ? ça suffit à faire passer une direction d'acteur inexistante ?
Cela commence comme une comédie, pas très drôle, et volontairement hallucinée, avec des acteurs franchement médiocres, et une mise en place excessivement longue. Et la comparaison avec After Hours fait très très mal. D'autant plus qu'une injustice existe déjà au sujet de ce qui est pour le coup un des films les plus honteusement sous estimés de Scorsese. Il dégage pourtant lui aussi quelque chose d'irréel, de bizarre, d'angoissant, mais reste toujours naturel et immersif, avec une direction d'acteur et un rythme calibré de bout en bout. Ce n'est pas le cas dans Miracle Mile, où l'on suit laborieusement l'aventure d'Harry dans un pâté de maisons d'L.A. On le suit quand même car on cherche à savoir comment ils vont se sortir de ce merdier. Mais l'absence d'un Joe Dante, ou un Scorsese derrière la caméra se fait cruellement ressentir passée l'heure de film. Et même après un quart d'heure en fait.
On peut au moins mettre au crédit du film, un certain courage dans sa dernière partie et dans son changement de ton, puisque la comédie laisse place à un survivor plutôt sombre. Mais si la comédie n'était pas très amusante, le côté apocalyptique n'angoisse pas plus que ça non plus. Il y a peu de moyens, et la guerre civile est réduite à un bout de route, à des vêtements déchirés et à du ketchup sur le front de quelques types qui s'empoignent. Certains cabotinant salement (l'acteur vu 1000 fois, torse nu en haut de l'immeuble).
La fin est abrupte, et ne ménage pas son public, puisque le couple crève dans un cockpit qui s'enlise dans une mare. Pour tout dire, devant la facture du film, je m'attendais à ce que Stevie nous sorte le coup de "ce n'était qu'un rêve, Harry s'est endormi avant le rendez-vous, et a cauchemardé", fin très à la mode dans les productions médiocres des 80's. Bon il ne l'a pas fait. Du coup, la fin est risquée et inattendue. C'est déjà ça. Mais est-ce pour autant une bonne fin ? Non, clairement, il y a un goût d'inachevé. En ayant refusé de jouer le jeu de la vraisemblance dans son film, cette fin réaliste, et fatale créait certes un décalage intéressant pour certains, mais elle dépareille avec le reste du film, et elle n'élève pas vraiment l'ensemble. Un fin dramatique ne rend pas un film génial, parce qu'elle tranche avec le reste.
On a bien compris que la guerre froide était une épée de Damoclès très présente dans l'esprit des américains, et beaucoup de cinéastes ont proposé des films sur cette apocalypse (Panique sur Florida Beach de Dante, Point Limite de Lumet, deux autres films pour le coup tout aussi méconnus). Mais ce Miracle Mile ne vaut pas grand-chose à côté d'After Hours, et il se trouve plutôt à sa juste place dans le panthéon ciné. Il n'est ni mauvais, ni génial. Je laisse la conclusion à mon gars sûr Mazouz.