Ma première réaction en sortant de ce film a été de clamer mon amour pour mon boulot (dommage mon chef n’était pas dans les parages).
Parce qu’il y a vraiment des jobs qu’on ne souhaite pas même à son pire ennemi.
Apprentice vient nous le rappeler, et à vrai dire c’est sous ce seul angle qu’on peut lui trouver un semblant de lueur.
Parce que tout dans le film est sombre, désabusé, triste, froid, et étranger.
Je ne sais pas pour vous, mais je n’ai jamais mis les pieds dans une prison, en tout cas pas dans une prison “en fonction”, du coup le milieu carcéral ne m’apparait qu’à travers ce que les écrans, grands ou petit veulent bien m’en montrer.
Situer l’action dans une prison, qui plus est Singapourienne, ça frôle la science fiction pour moi: si ça se passait sur Mars je serais tout autant dépaysée.
Les premières minutes intriguent, surtout quand on ne connaît pas à l’avance le sujet du film: on se pose beaucoup de questions sur le héros qui a l’air d’être un bon gars mais semble aussi bien curieux à propos de l’aile interdite de son lieu de travail.
Il est attachant ce Aiman, et on a envie de le suivre dans sa quête, on a envie qu’il nous fasse découvrir son univers et son mal être petit à petit. On le suit comme on a déjà suivi le héros de Drive: à la fois fasciné et perturbé par les tourments qu’on devine.
Et c’est ce qui se passe dans un premier temps: on comprend une relation frère/soeur qui oscille entre amour, colère, incompréhension, et souvenirs de famille, à l’image d’un meuble branlant qui porte encore les autocollants du temps d’avant, dont on a du mal à se défaire.
Ces moments de vie “réelle” permettent d’ancrer un peu le personnage, et à vrai dire on aurait aimé scruter davantage sa vie, mais peut-être que le film essaie justement de nous montrer à quel point Aiman n’a pas de vie, qu’il a tout orienté sur sa quête, sa soif de comprendre jusqu’à s’y oublier et noyer le peu de vie qu’il a pu avoir.
En même temps qu’on découvre ce qu’il cherche, on perçoit où le film va nous emmener: vers une sorte d’horreur, de l’arroseur arrosé, qui nous montre qu’on ne peut juger tant qu’on ne connaît pas chaque côté de la barrière et comment on peut se retrouver prisonnier d’une situation qui nous est tombée dessus et qu’on va devoir endurer.
Ce n’est pas inintéressant, c’est même très perturbant, et certains passages du film sont marquants, à la limite du supportable.
Si on doutait encore de la violence de la peine de mort, voir le côté du bourreau vient dépasser tous les arguments qu’on aurait pu avoir.
Alors qu’est ce qui fait que ce film, tout maîtrisé qu’il soit dans l’organisation de ses plans, dans les prestations des acteurs, et dans son propos coup de poing, laisse autant le spectateur sur le carreau?
Sans doute la froideur qui émane de toutes les secondes du film: les couleurs sont vertes et noires, partout, même dans l’appartement familial, même dans les rares scènes à l’extérieur de la prison, tout est sombre, comme le propos. Les rares fois où on voit le soleil, c’est quand des prisonniers font leurs exercices, ou quand il faut acheter de la bonne corde bien résistante.
La vie d’Aiman n’est que souffrance, et il sort d’une prison, d’un carcan pour en rejoidnre un autre, sans que rien ne vienne contrebalancer sa chute: tout l’abandonne, même sa quête puisqu’il se retrouve prisonnier de son métier, pris au piège dans lequel il s’est glissé volontairement.
Ce propos désabusé et glacial, sans rien pour l’atténuer nous empêche de rentrer dans le film.
Pourtant, le héros a une tête sympathique et on ne demande qu’à s’attacher à lui, mais il manque une lueur, un ailleurs pour qu’on ait envie de l’y emmener.
Apprentice est un film marquant, que je ne serais probablement pas allée voir de moi-même, qui me poursuivra sans doute longtemps, qui perturbe mais qui n’aura pas réussi à m’emballer.