Aujourd'hui nous vivons, proclame le titre original du film, et cette exclamation pourrait assez bien définir tout le cinéma de Hawks. Grand virtuose de la comédie, sa force est de savoir capter le moment présent, tendu comme une corde sur le point de rompre. Il sait comme personne jeter ses personnages dans le feu de l'action, et les observe, facétieux, se sortir in extremis des pires situations, comme des funambules ivres. Il est le réalisateur de la tension (de l'attention), étirant avec dextérité ses scènes jusqu'à un point ultime d'hystérie tranquille. Plus ça s'emballe, et plus il prend son temps.

Ici, la tonalité générale est plutôt celle de la tragédie. Ann, une riche anglaise, doit vendre sa maison à un bel étasunien, suite à la mort de son père. Les deux tombent amoureux, évidemment, mais Ann ne peut se résoudre à cette idylle, et s'engage comme infirmière pour rejoindre son frère et son fiancé en France. Qu'à cela ne tienne, l'étasunien s'engage aussi et retrouve le trio à Boulogne. Ann est déchirée entre sa loyauté et son nouvel amour, pendant que la guerre fait rage.

On l'a dit, Hawks aime les situations inextricables : il va pousser celle-ci jusqu'à l'extrême, mais sans jamais tomber dans les pièges trop évidents qu'elle pourrait tendre. Grâce à ses personnages, qui font plus qu'ils ne disent, et grâce à une certaine sècheresse dans le ton qui lui permet d'avancer toujours tout droit jusqu'au dénouement. Comme un général sans état d'âme menant ses troupes sous la mitraille. Pas de fioritures, pas de sentimentalisme étalé ( Il n'y a d'ailleurs aucune musique sur-ajoutée - un exploit à Hollywood en ce temps là !), les larmes coulent surement, mais hors champ. Aujourd'hui nous vivons, les regrets, les projets, n'ont pas droit de cité.
Chaiev
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le 25 oct. 2011

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