J'ai revu ce film bien longtemps après 1 ou 2 visionnages antérieurs, je l'avais alors perçu telle une comédie bon enfant comme savait en faire Gilles Grangier pour sa vedette fétiche qui ici s'adonne à pas mal de "gabineries", car il est clair que c'est un film conçu pour Gabin et qui repose sur ses épaules, d'ailleurs le sujet l'a sans doute inspiré puisque l'idée est de Jean Moncorgé qui n'est autre que le vrai nom de Gabin.
Ce revisionnage m'a fait constater que si le scénario est certes astucieux, c'est l'histoire d'une pauvreté d'un autre temps, celle d'un clodo bon enfant qui est archi désuète mais bougrement attachante, car de nos jours, les SDF c'est plus du tout comme ça. Dans un Paris en mutation, où commencent à fleurir les barres de béton aux abords des faubourgs (le tournage des scènes dans les immeubles en construction a eu lieu à Maisons-Alfort), Archimède est un clochard truculent, fort en gueule, un peu anarchisant et soiffard, mais cultivé et philosophe, amateur de Muscadet.
Gabin y retrouve ses acolytes habituels comme Blier, Frankeur, Roquevert, et même Carette en clochard avec des chiens (retrouvailles depuis la Grande illusion), auxquels s'ajoutent Darry Cowl en compagnon d'infortune, et Jacqueline Maillan en grande bourgeoise, prétexte pour Audiard à quelques saillies sur le beau monde dans lequel Archimède vient faire un petit tour après avoir ramené un chien faussement perdu, le temps de quelques verres. Car faut-il le préciser, ce film n'aurait sans doute pas le même ton savoureux sans les dialogues d'Audiard qui peut se régaler dans la réplique fleurie et caustique sur ce monde de marginaux, de laissés pour compte et d'anti-système qui gueulent avec bon sens.
Tout le monde est un peu en roue libre, Gabin le premier, caracolant dans le cabotinage un peu moins mesuré que d'habitude, on voit que certaines scènes sont un peu forcées et moins adroites que dans d'autres films de Gabin. Mais tout ceci reste bien inoffensif et n'a pas la prétention de traiter en profondeur le problème des sans-abris qui n'étaient pas encore très nombreux en 1958, c'est avant tout du cinéma populaire à vocation divertissante comme on en voyait beaucoup dans ces années 50.