Encore un Gabin-Grangier qui a les défauts de ses qualités, des dialogues savoureux par Audiard mais un peu appuyés, un Paris nocturne délicieux jusqu'au cauchemar, des trognes en seconds rôles qui chutent de Blier à Darry Cowl et Jacqueline Maillan en passant par Carette et Roquevert et surtout Gabinou qui alterne le formidable et l'irritant.
Gabinou, 55 ans, n'était pas encore entré dans sa phase acrimonieuse et histrionique, le singe hurleur décati des Vieux de la vieille, le Pacha, le Tatoué... il avait bien déjà taquiné le bougonnage au besoin, comme dans la traversée de Paris, mais restait sous contrôle... ici, ce sont un peu ses débuts en roue libre, le cabotinage du vieux clochard cultivé chantonnant et massacreur, autant dire que le prix d'interprétation à Berlin était dans la poche...
Et pourtant, il y a derrière ce pré-Zorba le Grec qui gambille comme personne quelque chose d'infiniment délicieux, une vraie force de personnage, une humanité profonde, loin de tous ces "forçats", ces "ilotes", du caractère en quelque sorte, ce qui manque cruellement au cinéma français de ces cinquante dernières années, comme le pâle reflet d'un pays amorphe qui fait d'Archimède une figure rafraîchissante d'exception. Et Jeannot, promoteur sous son vrai nom de l'idée originale, porte en lui ces restes de présence avec une évidence communicative, cette jolie suite de petites scènes garde une grande cohérence sous les nippes épaisses du vieil anar et se consomme sans aucune modération.