Pour la corona, à 60 ans t’es vieux et fragile... (voir ci-après)

"Pour la corona, à 60 ans t’es vieux et fragile mais pour la retraite à 60 balais, t’es encore trop jeune et en pleine forme, et il va falloir faire encore un petit effort !."

Délicieux petit film de fin des années cinquante dans lequel c'est un peu comme si j'avais vu un de mes grands- pères dansant la java...

Deuxième meilleur succès aussi du réalisateur Gilles Grangier (après la "Cuisine au beurrre) qui avait fait 4 073 891 spectateurs en salles françaises à sa sortie en 1959, pour un budget qui n'avait sûrement rien de pharaonique : tourné à Alfortville, Paris, et Cannes pour la plage avec Noël Roquevert qui y prend ses vacances avec ses enfants (Colonel Beaupoil de Radio Luxembourg)...
En même temps qu'une sixième place au box-office... Beau score pour un film déjanté sur une idée de Gabin, de son vrai nom Moncorgé au générique...
Avec un scénario à deux têtes ! Le développement et le scénario sont d'Albert Valentin dont l'existence mériterait-elle aussi une biographie ! C'est un ex-réalisateur (1902-1968) qui avait eu le toupet de pourfendre les classes aisées avant guerre avec un film qui ne lui apporta pas le paradis : "la vie de plaisir" ! Et qui lui valut d'être interdit de studios par le gouvernement de Vichy sous la seconde guerre mondiale mais aussi par la Gestapo, c'est à dire "la Continental" (marque du SS Goebbels)...
Il ne retrouva jamais plus le tapis rouge menant aux studios après 1945...
Son audace d'antan le cantonna aux scénarii, parfois sulfureux mais toujours un peu revanchards et bravaches : le clochard s'appelle ici : Joseph, Hugues Guillaume Boutier de Blainville dit : Archimède, c'est à dire qu'il connaît les bonnes manières, politesses et autres ronds de jambes...

Le scénariste d'origine belge fréquenta du reste assidûment les établissements de nuits, les casinos...
Le tout agrémenté de dialogues d'Audiard qu'on reconnaît facilement : on n'a pas fait ici dans la poésie, ni haute littérature, on se doute ! Mais nous vaut des réparties du genre " J'ai un squatter" "Qu'est-ce qu'y dit ?" "Y dit qu'y a acheté un scooter"... (sic)
Le casting est peuplé de ce qui se faisait de mieux à l'époque, avec cet autre habitué des casinos qui y laissait tout ce qu'il gagnait : Darry Cowl. Il dut un temps son succès à un bégaiement volontaire sur la scène des music-hall, ce qui amusait beaucoup le public à l'époque...
Bon, ce film a vieilli, mais bien vieili et s'auréole de la patine du temps, des souvenirs : on ne connaît plus beaucoup de couples baptisant leur progéniture du prénom d'Archimède du reste.

On ne dit plus guère non plus "clochard" mais un temps "clodo" puis "SDF" de nos jours ce qui est moins péjoratif...
Cet homme qui va tout faire pour passer son hiver en prison est tiré de la réalité : à une époque, il y a eu réellement des hommes, âgés ou pas, qui à l'approche de l'hiver, s'arrangeaient pour piquer des denrées alimentaires dans les grandes surface où ils étaient arrêtés et connus comme le loup blanc, ce qui leur valaient quand ils comparaissaient au tribunal, de s'entendre dire par la présidente : "Encore vous ?" et de s'entendre répondre : "Ben oui madame la présidente, à l'approche de l'hiver, j'aime mieux être en prison que dehors ou sous les ponts ! On y est au chaud et nourris !" Et la liste de leurs condamnation était aussi longue que les promesses d'un responsable politique à la veille d'élections...
Soufflée par Gabin, l'histoire est évidemment destinée à mettre en valeur les cabotinages préférés de l'acteur : tout comme ses souvenirs militaires... encouragés et félicités à Cannes par Noël Roquevert, autre spécialiste du genre militaire)
Admirons aussi sa souplesse ses petits pas de danse à 55 ans : ici en dansant le be-bop ou autres charlestons. Avec un goût prononcé pour le pinard, (rentrons ça avant qu'y n'pleuve !) et le petit plus d'ironie mordante vis à vis des aristos, comme qlorsque uand Archimède va reconduire son chien perdu à Madame Marjorie qui a organisé chez elle une réunion de la "haute".... Admirons ses connaissances intellectuelles quand il s'adresse à un autre clochard en lui balançant : "T'es un paradoxe, et ça t'emmerde ! Parce que tu ne sais pas ce que ça veut dire !" Audiard était en pleine forme !

Le dialoguiste ne peut aussi s'empêcher de citer le véritable Archimède : Archimède de Syracuse, né vers 287 av. J.-C. qui était un grand scientifique de l'Antiquité, physicien, astronome, mathématicien et ingénieur, considéré comme l'un des principaux scientifiques de l'Antiquité classique qui a découvert entre autres le principe de la flottabilité : "tout corps plongé dans un fluide au repos, entièrement mouillé par celui-ci ou traversant sa surface libre, subit une force verticale, dirigée de bas en haut et égale (et opposée) au poids du volume de fluide déplacé."
Tout ça est amusant, ironique, enlevé, (instructif ?) et agrémenté d'une musique guillerette d'antan que j'ai adorée... Une musique foraine accompagne le générique (avec des lettres "au pinceau") genre orgue de barbarie, puis ritournelles entraînantes ou musiques d'époque, le tout signé Jean Prodromidès qui pouvait s'enorgueillir de cinq opéras... Qui peut le plus peut le moins...

Pour en revenir au générique sur le film, une énigme : on peut y voir le nom d'une actrice et une désignation : "la femme nue"... Or je n'ai rien vu de tel dans l'aventure ? Plan coupé au montage ?

Les scènes de l'appartement dans les quatre barres de logements en construction que squatte Archimède ont été tournées pendant l'hiver 1958-1959 à Maisons-Alfort sur les lieux de l'ex-château de Charentonneau, (également connu sous le nom de château Gaillard) ancienne demeure seigneuriale... Le château et l'orangerie, alors encore intacts, apparaissent à deux reprises dans ce film, entourés par les barres d'immeuble en construction. Quatre barres d'immeuble pas très esthétiques sur le plan architectural, comprenant un total de 704 logements, ont été construites dans le parc qui a pris le nom de « Résidence du Château Gaillard»

Une autre "vie de plaisir" revue et corrigée comme celle que mena le scénariste !
On en redemande même si c'est léger, très léger !

Paris Première le 26.04.2022-17.09.2023-

270345
8
Écrit par

Créée

le 19 sept. 2023

Critique lue 21 fois

1 j'aime

270345

Écrit par

Critique lue 21 fois

1

D'autres avis sur Archimède le clochard

Archimède le clochard
Torpenn
6

Le clochard de vivre

Encore un Gabin-Grangier qui a les défauts de ses qualités, des dialogues savoureux par Audiard mais un peu appuyés, un Paris nocturne délicieux jusqu'au cauchemar, des trognes en seconds rôles qui...

le 6 mars 2014

23 j'aime

5

Archimède le clochard
Hypérion
7

Vous avez la gueule de travers et la mentalité biscornue...

"Archimède le chochard" suit le parcours d'un sans domicile fixe truculent, ayant en horreur l'idée de dormir sous un des nombreux ponts de Paris. L'hiver approchant, il n'a que deux solutions...

le 4 oct. 2012

20 j'aime

2

Archimède le clochard
Boubakar
7

Gabin le clochard.

C'est un film que j'ai bien aimé, mais dont je ne comprends pas où il veut en venir. L'histoire est celle d'un clochard, avec ses principes, qui veut aller en prison pour passer l'hiver au chaud...

le 20 oct. 2013

9 j'aime

2

Du même critique

Gorge Profonde - Quand le porno est sorti du ghetto
270345
2

Tu te laves toi après avoir fait l'amour ? Ben oui, pourquoi ? (suite ci-après)

Tu te laves toi après avoir fait l'amour ? Ben oui, pourquoi ? (suite ci-après Ben parce que tu devrais baiser plus souvent !Ce film commente deux choses : la sortie du film "Gorge Profonde" en...

le 19 août 2022

8 j'aime

13

La Baule-les-Pins
270345
3

La Baule ? Sans le punching !

La Baule ? Sans le punching !La réalisatrice et aussi co-scénariste (ça fait déjà beaucoup !) avait très mal vécu jadis le divorce de ses parents quand elle avait douze ans... De là à faire de...

le 20 janv. 2021

8 j'aime

13

Nell
270345
8

La femme, même sauvageonne, sera toujour un sujet sur lequel j'aime m'étendre...

Malgré toutes mes recherches, je n'ai pas réussi à savoir pourquoi ce si beau film avait été affublé d'un titre aussi neuneu ! C'est même la seule chose ratée dans cette oeuvre ! Certes, l'histoire...

le 21 déc. 2019

8 j'aime