Arès
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Film de Jean-Patrick Benes (2016)

On a inventé un nouveau sport : de la bagarre avec du dopage

Avec son statut si rare de film de SF français, le 2e cette année après un Virtual Revolution qui est sorti dans 4 salles, Arès donne envie de l'aimer. On espère que ce sera bien, qu'on pourra montrer aux producteurs que ça vaut le coup d'investir dans la SF française, qu'on aura une bouffée d'air frais au milieu des comédies et des drames. En plus l'affiche me tape dans l’œil, ça sent la bonne direction artistique.


Retour à la réalité : l'affiche colorée est trompeuse, le film est tout noir et moche. La luminosité est dégueulasse, c'est terrible. Au début on se dit que c'est parce que cette Paris dystopique subit un brouillard de pollution, la laideur de l'image serait là pour retranscrire la crasse d'un état pauvre. Mais quand on passe en intérieur et que les acteurs ne sont qu'à moitié éclairés on commence déjà à se demander ce qui nous a fait envie dans ce film. Le réalisateur tente de donner vie à sa ville avec des plans plus ou moins évocateurs, des écrans géants et une Tour Eiffel omniprésente, mais c'est peu et on ne peut que ressentir le manque de budget. Vous n'allez pas voyager avec Arès, les éléments de SF se limitent à des petits hologrammes tout à fait dispensables. Mais même sans budget un peu de savoir-faire aurait permis une lumière moins ratée que celle-là, c'est l'un des films les plus laids de cette année.


Le grand mérite de Arès serait de ne pas chercher à être familial : le film est sombre et violent, il ne s'auto-censure pas. Il tente de faire un portrait acerbe d'une France qui fonce dans la pauvreté, l'abrutisation par les émissions de divertissement, le manque de respect de l'humain et la révolte. Mais il le fait mal, ou alors moins bien que ses modèles. Par exemple il s'attache à de jeunes révolutionnaires qui s'opposent au vieux (le héros) qui se conforme au système. La situation ne s'éloigne pas beaucoup d'aujourd'hui, sauf en ce qui concerne leurs revendications. Les jeunes se battent-ils contre la précarité, représentée par ces hordes de SDF ? Non, on ne parle jamais d'eux. Se battent-ils contre les jeux de free fight hyper violents hérités d'une bonne partie des films d'anticipation ? Non, ils s'en foutent. Ils ne se battent apparemment que contre l'offre faite par le groupe pharmaceutique local qui engage des cobayes qui ont tendance à en mourir. Alors c'est vrai qu'il y a de quoi être dégoûté par un tel cynisme, mais j'aurai pensé qu'ils voudraient plutôt lutter contre leur gouvernement qui les met dans une position telle que certains se vendent pour des tests aussi risqués. Peut-être le font-ils dans la tête du réalisateur, après tout ils n'arrêtent pas de traiter le héros de facho, sauf que cela ne se ressent pas dans le film. Ils n'en ont qu'après le travail de cobaye proposé, même pas contre les jeux de free fight qui font aussi pas mal de morts. Cela aurait pu être une manière pour le réalisateur de dénoncer une forme d'hypocrisie, d'un côté on dénonce le peu de valeur accordé aux humains alors que de l'autre on se rassemble pour voir des gens se faire éclater en direct avec des commentateurs enjoués. Mais jamais ce paradoxe n'est mis en valeur, le free fight est même plutôt l'occasion de montrer de la castagne qui tape dur. Pourtant la révolte est au premier plan, le générique de fin lui est même dédié, mais elle sonne faux. Sa seule action consiste à balancer des chiffres qui se veulent percutants mais qui n'apprennent rien aux gens, on voit bien aujourd'hui que les infos du style "Les chiffres nous apprennent que les costards-cravates sont aussi méchants qu'on le pensait" ne font pas trop réagir en dehors des posts indignés sur les réseaux sociaux. On dirait la révolution vue par un mec qui penserait que porter un T-shirt du Che ferait de lui un militant.


Au-delà de cette vision très simpliste le film se suit avec une certaine fluidité, mais n'est pas plus emballant que ça. Ola Rapace n'est pas convaincant dans son rôle de pseudo anti-héros vaguement concerné par ce qui lui arrive et ses interactions avec ses nièces se montrent trop limitées pour marquer une véritable opposition idéologique ("T'es qu'un sale facho !" "Je veux juste qu'on survive !"). Le réalisateur a le mérite de montrer régulièrement le cadre, permettant de s'imprégner de l'ambiance. Il se lâche également un peu lors du free fight, qui permet au film de bénéficier enfin d'une lumière digne de ce nom. Ces scènes sont travaillées et cognent fort, mais elles sont bien trop courtes pour avoir de l'impact. Le héros a un temps limité à 5mn pour terminer ces combats, cela pourrait justifier cette brièveté mais on n'en ressort que frustré par une impression de trop peu. On ne ressent pas non plus le stress du chrono, les combats ne prennent pas le temps de faire monter la pression. Je veux bien croire que le budget soit serré, mais au bout d'un moment il faudrait se demander si ça valait le coup de faire quand même le film si l'on n'a pas les moyens de le faire bien. En plus de tous ces problèmes le film a le mauvais goût d'utiliser l'humour aux plus mauvais moments. Vous aurez par exemple une mort badass qui se conclut par un cri Wilhelm. Sérieux les gens...


Arès n'a que son ambition pour lui, et ça ne remplace pas le talent. Il foire sa représentation de la révolte des jeunes, il tente une critique des jeux télévisés qui ne dépasse jamais ses modèles, il tisse un récit modeste, pas porté sur les excès hollywoodiens, mais qui ne contient rien de vraiment réussi pour faire oublier tous ses ratés. Ce n'est pas tout de suite que l'on aura un renouveau de la France dans ce genre.

thetchaff
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le 1 déc. 2016

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