Let's dance !
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le 1 févr. 2024
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Bon, en fait, non.
Je ne vais pas me mentir. Il faut sortir le mot. Être honnête. Oser dire les termes.
C'est dégueulasse.
Oui, globalement, et à bien tout prendre, ce film est quand même sacrément dégueulasse.
Dégueulasse au sens littéral du terme : ça dégueule de partout, dès la première minute.
La photo est criarde au possible, la typo empattée à l'extrême, les décors surchargés, la musique dans l'emphase. Putain c'est trop.
Il n'y a pas de retenue. La seule scène d'intro est une démonstration d'outrance numérique pas crédible pour un sou. Ça n'a pas d'épaisseur. Pas de chair. C'est trop. C'est hideux...
Et pourtant...
Et pourtant, je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir un certain savoir-faire et quelques fulgurances potentiellement jouissives.
Vaughn en joue. Comme s'il savait. Comme s'il accentuait volontairement le trait pour dire à quel point il s'en fout. Une manière aussi d'assumer sans assumer vraiment : foutue époque que ce temps de l'ironie...
Et v'là t'y pas qu'alors qu'on semblait partis pour plus de deux heures de dérivé de Kingsman totalement édulcoré, Vaughn nous fait une blague. Non, en fait tout ça c'était pour de faux. Ce n'était pas la vraie histoire. Je vous ai bien eu.
Cependant la nouvelle dimension de sa trame ne semble guère plus subtile, intelligente et équilibrée. Dégueulasse, toujours dégueulasse.
Jusqu'à la prochaine farce...
...En fait Vaughn n'arrête pas.
Il multiplie les contrepieds. Il renverse les situations. Il semble vouloir ne se stabiliser sur rien comme pour n'avoir d'obligation à ne rien creuser ni à ne rien installer.
Des blagues potaches ici. Des bagarres nerveuses là. Des situations improbables au sein de lieux insolites ici. Vaughn donne l'impression de faire un pot pourri de ce qu'il a jadis pu faire, de Layer Cake à Kingsman en passant par KickAss – le tout matraqué par le funk assourdissant de Patrick Cowley – ce qui n'est pas sans donner l'impression qu'on assiste, malgré la maîtrise technique évidente, à un cabotinage qui vire à l'autocaricature
(Dégueulasse, vous disais-je...)
Et malgré tout ça – malgré toute cette dégueulasserie donc – Matthew Vaughn est parvenu à imposer à la longue un nouveau pourtant. Un pourtant face auquel – je le confesse – j'ai fini par céder.
C'est que, malgré sa cinquantaine bien perchée, Vaughn a beau être resté au stade exaspérant du sale gosse qu'il n'en a pas moins préservé quelque chose d'essentiel là-dedans : le gosse.
Parce qu'en effet, au bout d'un moment, après de nombreux détours, finit par émerger un tout qui tend à trouver sa cohérence. Du gloubi boulga émerge un élan au service d'une dynamique certes enfantine mais franchement généreuse.
C'est un petit peu comme si Vaughn avait attendu de bien nous avoir refilé le tournis, profitant de notre apathie et de notre égarement, pour se risquer enfin à se livrer tel qu'il est : c'est-à-dire un auteur qui n'a pas grand chose à dire mais qui a malgré tout beaucoup à transmettre.
Beaucoup à transmettre en termes de générosité. Beaucoup à transmettre en termes d'énergie. Mais aussi beaucoup à transmettre en termes d'émerveillement.
L'air de rien, le film fourmille de décors grandioses, de chorégraphies poussées et d'acteurs généreux. Et ce film a beau dégueuler de tout bord qu'il n'en demeure pas moins limpide sur sa dynamique, ses effets et sur ce qu'il entend transmettre. Parce qu'en définitive tout est construit autour du conflit intérieur qui conduit jusqu'à l'éclosion, pour ne pas dire jusqu'à une sorte de réconciliation avec les autres comme avec soi.
Alors oui, c'est mièvre. Mais il y a vraiment là un côté « grand gamin » que j'aime bien.
La maitrise sans la retenue. Voilà qui expliquera sûrement le grand sourire sincère que m'a refilé cette scène :
(Et non, je ne pensais pas à la scène de patin qui est certes amusante dans l'idée mais absolument immonde dans sa réalisation. Je pensais plutôt à la scène de shoot sur fond décomplexé de Leona Lewis. Dans le genre cul-cul premier degré, il fallait l'oser et l'assumer. Et je trouve que ça colle au final vraiment bien avec l'état d'esprit global du film.)
Alors certes, tout ça n'effacera pas au final les incrustations numériques hideuses, lesquelles auraient presque un talent certain à s'immiscer partout, même là où on n'en verrait même pas l'intérêt... (N'est-ce pas, monsieur le chat dans son hublot...)
Même chose pour ce qui est de cette photographie outrancière qui ne nous épargnera décidément rien, et cela jusqu'au bout...
(Putain cette scène en extérieur sur le tanker, mais quelle HORREUR !)
...Et pourtant, malgré ça, ce film parvient à nous sortir quelques moments dégoulinants de tendresse ou des fulgurances tellement décomplexées qu'elles peuvent, prises dans l'élan global du film, être de réelles sources de sourire et de bonne humeur.
Tout ça m'amène au final à considérer que, tout dégoulinant ce spectacle puisse être – et en n'ignorant clairement pas sa haute propension à être hideux – je ne peux ignorer pour autant qu'il y a tout de même là-dedans un élan qui me parle.
Donc oui Argylle est dégueulasse, ça j'en conviens.
Mais on n'a tous nos plaisirs salaces, et celui-là, je crois, c'est le mien.
Créée
le 26 févr. 2024
Modifiée
le 26 févr. 2024
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