Sous prétexte de réalisme journalistique engagé (et, il faut bien l’avouer, le réalisme est total, l’équipe technique ayant risqué sa vie pour filmer au plus près les combats) le film se permet d’être profondément voyeur, volant à de nombreuses reprises d’intimes moments de famille, et de proposer un étrange regard sur les soldats qu’il filme. Entre témoignages aussi courts qu’inutiles, séquences mortelles d’ennui, le film peine vraiment à nous intéresser (l’ambition n’est bien évidemment pas d’être instructif, cela se constate vite). Et lorsqu’il nous plonge au plus près des coups de feu c’est pour montrer toute la faiblesse et la bêtise du procédé et de l’ambition de départ : on en conclut vite jamais l’on ne parviendra à bien filmer la guerre autrement qu’en fiction. Car si le réalisateur a pris des risques pour se faufiler avec sa caméra aux côtés des soldats c’est bien vainement car ce qu’il filme, en plus d’être inutilement choquant, est laid, souvent incompréhensible et saccadé. Ce n’est tout simplement pas bien filmé, c’est très amateur (l’envie de vivre prend logiquement le pas sur celle de produire de belles images). C’est donc bien logiquement aussi qu’en plus d’être ennuyeux, le film est laid, terriblement mal filmé. Mais encore, ce ne sont que détails légers à côté de la conclusion morale faite par le réalisateur qui trahit violemment les jeunes qu’il filme. Si les débuts, quoique voyeurs, montrent d’émouvants adieux et la famille touchante des soldats, la suite semble avoir pour objectif de réduire à néant l’image des soldats envoyés en Afghanistan. En plus de ne sélectionner que quelques personnages parmi tous ceux de la base militaire, le réalisateur ne montre les hommes que dans leurs moins beaux moments (en train de se bourrer la gueule, de faire des conneries, de dénoncer leurs camarades). Mais le pire est d’interviewer les hommes après qu’ils ont tués des talibans et que, grisés par la victoire, la peur et l’honneur, ils passent pour de sanguinaires animaux, assoiffés de sang et de violence, honteux. Armadillo, en plus d’être un mauvais documentaire, ennuyeux, n’apprenant rien, voyeur et esthétiquement laid, reste un summum de lâcheté qui dévalorise plus qu’autre chose le rôle des forces armées et plante un insidieux couteau dans le dos de ces jeunes qui ont accepté d’offrir leur intimité à la caméra et leur vie à leur pays.