Si l'année cinéma 2022 a été initiée et refermée par un film de Guillermo Del Toro, elle a aussi été débutée et clôturée par deux coups d'oeil dans le rétro.
Deux coups d'oeil différents sur la décennie revisitée à l'aune des souvenirs de l'enfance ou de l'adolescence, dans l'atmosphère ressentie d'une Amérique en pleine mutation.
Ainsi, Licorice Pizza, en janvier, et Armageddon Time, en novembre, ressembleraient au premier abord à deux films siamois dans leur démarche et leur aspect d'entreprise semi-autobiographique.
Sauf que les deux longs-métrages représenteraient plus surement le jour et la nuit.
Car Paul Thomas Anderson, en janvier, évoluait dans une atmosphère presque irréelle, baignait son récit d'un soleil aveuglant et suivait un drôle de couple qui évoluait à l'instinct, dans un sentiment de liberté absolue que même le premier choc pétrolier ne pouvait entraver.
James Gray, lui, revisite un début des années quatre-vingts au terme d'un film beaucoup plus désenchanté et spectral. C'est que Armageddon Time s'inscrit finalement aux antipodes de la légèreté de Licorice Pizza, dans un récit plus douloureux, mais aussi plus feutré.
L'élection de Ronald Reagan donne ainsi le ton, tout comme ses funestes promesses et l'ambiance de néolibéralisme. C'est une amitié entre deux enfants de conditions et de couleurs différentes qui nait pour mieux se briser. Juifs et noirs qui sont obligés de se séparer, sur l'autel de l'argent et de rêves de gamins illusoires.
Les souvenirs de James Gray affluent et les réminiscences des 400 Coups de Truffaut interpellent. Mais au contraire de P. T. Anderson, l'enfant se tourmente rapidement. Malgré une famille aimante, malgré une figure de grand-père complice et rassurante qui emprunte la formidable présence d'Anthony Hopkins, qui s'impose aux yeux de Paul comme un mentor et une boussole morale.
De jolis moments troublés par la culpabilité éprouvée par Paul Graff, contraint de laisser son acolyte sur le bord de la route. Un gamin écrasé par le poids de l'héritage familial et des non-dits, par le poids de ses frustrations et de ses espoirs. Comme si le Leonard de Two Lovers avait régressé à l'âge d'enfance.
James Gray, avec Armageddon Time, chuchote à notre oreille, dans le noir de la salle de cinéma, toute la beauté de son drame inscrit dans la marche de l'histoire américaine pervertie. Tout en revenant au motif constant de la séparation qui jalonne son cinéma et en réussissant, à nouveau, à toucher au coeur.
Behind_the_Mask, qui n'imagine pas l'armageddon sans Michael Bay.