Qualifié de polar, ce thriller porte en lui ce qui fait la singularité du cinéma d’Alain Jessua. Dans une ambiance crépusculaire qui évoque les films d’anticipation, le réalisateur taille un short à une société servile qu’on retrouve au détour d’une télévision du divertissement abêtissante. Pour incarner celui qui veut réveiller le monde en accédant à la célébrité, Jean Yanne est totalement glaçant. Dommage que tout cela soit réduit à une psychologie de comptoir qui évoque celle convoquée également dans Peur sur la Ville. Le souci, c’est que là où le film d’Henri Verneuil était un vrai polar d’action, le film d’Alain Jessua s’appuie justement principalement sur l’affrontement entre cet éveilleur de conscience et un psychologue interprété par Alain Delon. À une période où la psychologie, et bien plus encore la psychiatrie, apportaient de premiers éléments de réflexion pour étudier les esprits dérangés s’en prenant à la société, le sujet était novateur. Aujourd’hui, les éléments de psychologie avancés paraissent bien maigres et caricaturaux. C’est en cela où le film a cruellement vieilli.


Mais il n’en conserve pas moins un certain nombre de qualités. De ses acteurs inspirés (notamment le duo Jean Yanne – Renato Salvadori) à son atmosphère parfaitement réussie en passant par la musique signée Astor Piazzolla, le film a une véritable identité. Son passage à Ostende est, notamment, une totale réussite avec un Jean Yanne enfin plus psychopathe et un Renato Salvadori enfin plus humain. L’ensemble aurait d’ailleurs gagné à être plus sombre dès le début. Il faut, en effet, attendre un sacré moment avant que le duo passe à l’acte et se montre aussi dangereux qu’il le prétend. Dans cette attente, les messages de menace et le chambardement qui s’en suit paraît disproportionné. À ce titre, l’intervention d’Alain Delon paraît prématurée.


Le dernier acte, quant à lui, déçoit quelque peu. Plutôt qu’une escalade de la violence, le film propose une escalade de la menace qui empêche le personnage de Jean Yanne d’être totalement l’élément de terreur qu’était, par exemple, Minos pour reprendre la comparaison avec le film d’Henri Verneuil. C’est dommage car le ton apocalyptique voulu par Alain Jessua perd, de fait, de son intensité. Le film jouant sur la montée en puissance de la folie, on reste un peu sur sa faim. Il en résulte un film bien pensé mais qui manque clairement de densité au niveau de ses personnages et de ses péripéties pour atteindre tout à fait sa cible.


6,5

Play-It-Again-Seb
6

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le 26 mars 2024

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