Je ne peux pas dire que je n'avais pas été prévenu : Rodrigo Sorogoyen parvient à merveille à nous faire nous cramponner à nos sièges avec rien, autour de tasses de café, alors que dire lorsqu'il s'y met sérieusement, en sortant une bouteille de gnôle ?


Eh bien qu'il fait ça brillamment, à tel point que l'on sort de la salle presque tremblant de ce film abordant frontalement et sans sensiblerie des rapports de voisinage venimeux entre gens du crus et néo-ruraux, qui plus est étrangers, ou la difficulté de voir des proches faire des choix que l'on ne comprend pas , mais de la nécessité de ne par leur dicter leur conduite.


Toute la maîtrise du rythme vient du fait que ce sont de petits éléments qui créent une tension constante, préparant le terrain pour des instants tellement intenses qu'ils nous laissent suffoquant face à une fatalité grandissante et l'absence de véritable échappatoire, que ce soit dans les rapports de voisinage puis filiaux.


Sur ce dernier point je trouve la seconde partie tout aussi intéressante que la première, peut-être entre autre de part la rupture complète qu'elle effectue avec celle-ci, et si certains voient le jeu de Marie Colomb maladroit je trouve au contraire qu'elle transmet particulièrement bien la maladresse de son personnage, comprenant d'autant moins sa mère qu'elle ne vit pas leur tragédie de la même manière, du même point de vue, et réagissant bien souvent par une panique palpable.


Elle ne dénote donc, à mon sens, aucunement avec les autres acteurs, tous aussi bluffants les uns que les autres, et au service d'un film dont le véritable sujet est finalement en creux la plupart du temps : l'ouverture à l'autre, la nécessité d'un dialogue ouvert afin de ne pas tomber dans la fortification intellectuelle d'un chacun chez soi.


As Besta, si il nous montre les dérapages de certains, n'est pas manichéen, les pires ordures y ont des arguments recevables, même si ils ne justifient aucunement leurs actes, et ceux s'acharnant à promouvoir une certaine "bonne parole" ne le font pas toujours en prenant en considération ceux qui les entourent. Le bien n'est jamais blanc, le mal peut aussi avoir ses raisons, et toute la tragédie humaine s'articule autour de ces notions bancales.


ZayeBandini

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