Le retour à la campagne et plus largement à la nature est un phénomène en vogue en ce moment, probablement influencé par l'écologie et l'étouffement des grandes villes. Il n'est donc pas étonnant de voir un film comme As Bestas sortir sur nos grands écrans, d'autant plus que le cinéma a toujours bien aimé aborder ce thème pour lequel il n'a pourtant pas un avis très optimiste.
En effet, il suffit de se souvenir de films comme Chiens de paille ou Delivrance pour se rappeler que l'arrivée de citadins dans ce qu'il espèrent être un pays de cocagne se révèle en réalité être le théâtre d'un affrontement sanglant entre eux et les habitants locaux. On ne compte pas non plus le nombre de films d'horreur bas du front où une bande de jeunes débarquent en pleine campagne pour se faire hacher menu par le sérial killer du coin. Le message est clair : la rencontre entre deux communautés aussi différentes (le monde globalisé des villes et le monde rural) ne laisse pas de place pour la cohabitation.
Il faut dire que ces deux milieux sont à l'opposé l'un de l'autre. La ville offre le confort et l'ultra connectivité tandis que la campagne est, de par sa topographie, un endroit rude et isolé. Il n'est finalement pas très étonnant que les citadins arrivant en milieu rural soient finalement rattrapés par sa dureté. Le réalisateur Sorogoyen expose cet état de fait dans son film, montrant un couple de français débarquer dans la campagne de Galice pour y refaire leur vie, y voyant un havre de paix, à la stupéfaction des locaux qui voient dans leur terre une vie de labeur passée à cultiver pour gagner très peu. Il suffira d'un projet d'implantation d'éoliennes dans le village, synonyme de rentrée d'argent pour les habitants mais refusé par le couple de citadins, pour mettre le feu aux poudres.
Là où As Bestas fait preuve d'originalité, c'est dans son traitement des habitants locaux. En effet, si d'habitude ce genre de film a tendance à prendre parti pour les citadins (symbole du monde civilisé) et de dépeindre les ruraux comme des personnes dangereuses bloquées dans le passé, Sorogoyen quant à lui nuance fortement son propos, s'efforçant d'exposer du mieux possible le point de vue des deux parties en confrontation. D'ailleurs, l'affrontement entre le couple et les villageois est avant tout verbal et rarement physique, laissant chaque partie s'exprimer dans des plans séquences faisant constamment monter la tension.
Toutefois, malgré les palabres, le constat est sans appel : la cohabitation entre ces deux mondes n'est pas possible et ne peut déboucher que sur un affrontement sanglant, rappel que si la nature est belle, elle est avant tout sauvage.
Seul signe d'espoir, la dernière partie du film se concentrant sur l'épouse française campée par Marina Fois qui parvient, envers et contre tout, à se faire une place dans ce petit village. Mais à quel prix ?