Revenons doucement en janvier 2019. Malgré sa présence à Cannes 2018, n'ayant pas suivi le festival à l'époque, j'ignorais tout de ce film jusqu'à même son existence. Jusqu'à sa présence dans un programme de mon ciné. Pour une raison qui m'est encore pas évident à définir, une curiosité à satisfaire, je me suis retrouvé en salles devant ce métrage ne savant rien que ce qui allait devenir un de mes cinéastes favoris, un des rares dont le travail me fascine constamment.
19 Août 2021, le lendemain de la sortie de Drive My Car, je me suis retrouvé à nouveau devant ce métrage en salles, l'œuvre qui m'avait captivé est devenu vertige.
Asako I&II est une adaptation de roman dont le principe est tout de même aguicheur : une jeune femme alors en relation voit son homme disparaitre et quelques années plus tard tombe nez à nez avec un homme ressemblant parfaitement à ce dernier. Quelle direction le métrage allait-il prendre avec un concept pareil, quelle proposition aurons-nous ?
Ryusuke Hamaguchi, cohérent dans tout ses travaux, choisi de nous parler de sentiments, d'amour, de ressentis, de non dits. On y suit donc cette Asako, innocente et insouciante dans ses frasques amoureuse, ses questionnements et finalement sa remise en question.
Hamaguchi prend son temps pour tout installer, tout présenter, avant d'aller dans le cœur de son sujet. Hamaguchi va même jusqu'à esquisser des parallèles osés mais usés si délicatement et si précisément que ça en devient évidence. Le passé ne s'oublie pas, il reste, il contamine, et Hamaguchi ne l'oublie jamais dans ses travaux.
Ce qui est encore plus impressionnant, c'est qu'on a beau suivre Asako et son entourage on note une envie forte, très forte, de montrer la société japonaise sans la sublimer, tout en tendresse. Particulièrement avec un évènement fort dépassant clairement le cadre de l'histoire que l'on suit, pourtant bien trop habituel dans l'archipel, et ses conséquences. Cela donne d'autant une crédibilité tout autre à l'histoire qui nous est raconté, d'autant plus réelle, d'autant plus palpable. car inscrite dans un véritable contexte, touchée elle-même par ces évènements là.
Il me semble qu'en y réfléchissant, là en est l'une des plus grandes réussites de ce film.
Sans la dévoiler outre mesure, la fin ambigüe m'avait perturbé lors de mon 1er visionnage.
Lors de mon 2nd visionnage, cette fois-ci en DVD, j'ai finalement compris d'autant plus ce qu'il s'y était joué et la confirmation est venue lors de ma séance de 2021. Hamaguchi ne brusque pas, ne force pas les choses, les veut les plus naturels possibles. Asako, tout comme le spectateur devant les actes de cette dernière, est perdue. Mais dans un ultime revirement, une évolution apparait, une éclosion d'une fragile beauté devrais-je dire.
Cette œuvre n'est pas qu'une simple histoire de romance à concept comme on pourrait le croire de prime abord par son speech, c'est une œuvre qui s'en détache pour toucher beaucoup plus loin.
Asako I&II est l'œuvre d'un cinéaste déjà accompli (l'immense Senses étant déjà à ce moment derrière lui) qui ne fait que confirmer la puissance de son travail, d'une rare humanité, d'une rare grâce. Ne restait plus qu'à Hamaguchi à s'envoler à nouveau, encore plus loin dans ses thématiques, et Drive My Car est depuis arrivé. Asako I&II comme Senses (et même Passion, le commencement de tout ce parcours) est un essentiel, un immanquable.