Je subodore que cette critique va encore m'occasionner un record de dislikes et une flopée de commentaires outrés ou gentiment désireux de me remettre dans le droit chemin. Je m'en tiendrai, si vous le voulez bien, au principe de Beaumarchais - Sans liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. Donc : quand j'aime, je le dis, quand j'adore, je le crie, et quand je suis déçue, je l'admets.
Encore que déception soit un grand mot pour Double indemnity car l'ensemble se regarde sans déplaisir aucun. Cependant, je n'y ai pas vu le chef-d'oeuvre que me vantaient Télérama et quelques critiques lues ça et là sur SensCritique. Je n'avais vu jusque là que Some like it hot de Billy Wilder qui m'avait laissé un souvenir drolatique très agréable. Avec Double indemnity, on est davantage du côté d'Hitchcock et du film noir - l'étiquette "thriller" étant très clairement exagérée.
Ici, pour moi, on est plutôt face à un bon polar classique, à l'intrigue d'une banalité affligeante, excusez-moi : une nana qui mijote de zigouiller son mari avec son amant pour toucher l'assurance, on a vu plus original, vous admettrez. Que nous vaut donc ces dithyrambes extatiques, cette interminable succession de 8 et 9/10 ? Je ne peux y voir ici qu'une notation admirative pour la valeur historique que représente ce film, pour son importance dans la grande aventure du cinéma du XXème siècle.
Voir ce film en 2016, après avoir été biberonné aux films contemporains, c'est devoir s'acclimater à une grammaire, à une atmosphère, à un jeu d'acteurs qui, si je leur reconnais un charme rétro- classique très certain, n'en demeurent toutefois que bien peu trépidants. On me répétera à qui mieux mieux que c'était l'esthétique de l'époque etc..OK ! Mais le PLAISIR que l'on prend à regarder ce type de film de nos jours, porté par son odeur de sainteté, n'est clairement pas au rendez-vous - en tous cas en ce qui me concerne.
J'ai pris autant de plaisir à regarder ce film qu'à mater un épisode de Columbo - quoique même peut-être moins !
Je songe aux déceptions (à hauteur de l'attente que les commentaires avaient suscitée) que furent pour moi Vertigo, La Nuit du chasseur ou Douze hommes en colère : l'image est certes belle mais l'ennui, mais l'histoire, mais le jeu des acteurs, mais les idéologies de l'époque, mais le son des voix, mais la musique insupportable... tout ça mis bout à bout fait naître mes soupirs.
Au moins chez Hitchcock les héroïnes m'avaient-elles captée, hypnotisée par leur beauté et leur style. Mais Barbara Stanwyck n'a pas le charisme, le charme gracieux ou la beauté d'une Kim Novak ou d'une Tippi Hedren, sans être non plus une figure vénéneuse. Quant à Fred McMurray, ses techniques d'approche de la blonde mariée devraient figurer au panthéon de la non-subtilité, à la limite de la grossièreté.
Double indemnity est donc un sympathique petit film policier d'époque mais dont la tension dramatique, l'intensité de jeu, le naturel des situations, l'angoissante gradation jamais n'équivaudront à ce que fait le cinéma de nos jours.
Parfois, il est bon aussi de se dire que c'était pas mieux avant.