Après un premier film assez moyen réalisé par Ray Goossens mais qui fut un carton lors de sa sortie en salles (près de 2 millions et demi d'entrées), il ne fallut pas longtemps au studio Belvision pour avoir dans l'idée de mettre en chantier une suite.
En fait pour l'anecdote ils y pensaient déjà avant même qu'Astérix Le Gaulois ne rencontre son succès en salles. En effet, avant même la sortie cinéma de ce dernier, deux autres adaptations étaient déjà en cours de production : La Serpe d'Or (tome 2), dont la réalisation avait même commencée et Le Combat des Chefs (tome 7).
Ces adaptations ne seront cependant jamais menées à terme (même si Le Combat des Chefs sera ultérieurement partiellement adapté dans Le Coup du Menhir) pour la simple et bonne raison que René Goscinny et Albert Uderzo exigèrent l'arrêt de leur production et la destruction de ce qui en avait été fait jusqu'ici après avoir appris l'existence du premier film qui s'est fait dans leur dos (les auteurs de la bande dessinée ayant en effet été mis devant le fait accompli par Belvision et leur éditeur Dargaud) et être ressortis très peu satisfait du résultat donné par le film de Ray Goossens. C'est en effet à cette condition et celle d'être partie prenante de toute éventuelle suite que les auteurs ne posèrent pas de difficulté à la sortie du 1er film et au projet de Belvision de mettre en chantier la dite suite, dont ils finiront par être les réalisateurs.
C'est donc un an jour pour jour après le film précédent qu'Astérix et Cléopâtre, adapté du 6ème tome de la bande dessinée, sortira en salles. Et le moins que l'on puisse dire c'est que malgré des moyens et délais de production similaires à ceux du 1er film, la différence qualitative entre les 2 films est flagrante ! C'est bien simple : Astérix et Cléopâtre enterre son aîné du début à la fin, sur toute la ligne et dans toutes les largeurs. La concurrence n'a même pas lieu d'être, il fait tout mieux que lui, et souvent de manière considérable !
Bon alors certes, c'est sûr que le fait que le matériau de base soit meilleur aide aussi un peu, Astérix et Cléopâtre étant déjà un album bien plus maîtrisé et réussi que ne l'était Astérix Le Gaulois, demeurant aujourd'hui encore parmi les tous favoris des fans de la bande dessinée là où la première aventure de nos gaulois préférés a plutôt tendance à partager les dernières places des classements de la saga, du moins pour ce qui est des albums de la période Goscinny-Uderzo ...
Mais il faut dire aussi qu'au grand contraire de Ray Goossens, Goscinny et Uderzo ne se reposent pas sur les seuls lauriers de l'album qu'ils portent à l'écran en l'adaptant concrètement au format cinématographique là où leur prédécesseur se contentait d'en faire une transposition bête et méchante. Et rien que ça fait déjà pas mal la différence.
Là où Goossens se contentait d'étirer au possible les péripéties de l'album original pour pallier au manque de contenu naturel d'un seul album de la série pour tenir la durée même minimale d'un long métrage au point de faire perdre à ces dernières de leur efficacité, Goscinny et Uderzo choisissent d'autres options, et d'ailleurs certainement pas celle de leur prédécesseur, les péripéties s'enchaînant au contraire toutes très rapidement (conférant ainsi au film un rythme nettement plus dynamique que son prédécesseur).
Eux préféreront faire exister leur univers, comme en témoigne l'introduction et les premières minutes du film qui nous plonge doucement dans l'univers égyptien en le contemplant à l'œuvre. Ou profiter autant que possible du média cinématographique pour adapter leurs gags en conséquence et en proposer de nouveaux, ainsi que de nouveaux personnages comme l'espion ou le lion, qui n'auraient pas fonctionné dans la bande dessinée (il est d'ailleurs à noter que certains des gags exclusifs au film seront repris des années plus tard par Alain Chabat pour son excellent Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre, adaptation cette fois en live de l'album), les seules péripéties de la bande dessinées qu'ils étirent étant celles propices à l'expérimentation de gags visuels souvent très réussis. Tout en modifiant la narration de l'album en faveur du rythme de l'intrigue et des dits gags et leur permettant d'explorer l'histoire sous d'autres points de vue que la bande dessinée, notamment du côté des antagonistes.
Et surtout ils proposent des numéros musicaux. A première vue dit comme cela, ça pourrait faire très cahier des charges de dessins animés, la formule étant à l'époque particulièrement en vogue au sein des productions Disney. Mais les auteurs de la bande dessinés ont pris le soin de particulièrement bien travailler ces 3 passages du film pour les encrer pleinement dans l'esprit et l'univers d'Astérix et ainsi se permettre de s'éclater à faire quelque chose qu'ils ne pourraient jamais faire dans le média original de la saga. Et qu'il s'agisse du "Bain de Cléopâtre", de "Quand l'appétit va, tout va !" ou, mon petit préféré, "Le Pudding à L'Arsenic", tous sont superbement réussis. A tel point qu'ils deviennent au final pour beaucoup ce pour quoi on se souvient du film en premier lieu, en dépit de la pourtant très bonne histoire et de l'efficacité globale de ses nombreux gags.
En parlant de la musique, on retrouve une nouvelle fois Gérard Calvi qui reprend pour la seconde et dernière fois l'excellent thème musical qu'il avait composé pour Astérix Le Gaulois et accompagne encore une fois formidablement bien le long métrage à travers ses compositions.
Dans le même ordre d'idées, le film reprend le très bon casting vocal du film précédent (à l'exception de l'acteur qui doublait César, ici remplacé par un Jean Parédés qui livre une prestation similaire à son prédécesseur, soit loin d'être la meilleure du rôle dans la saga pour moi), auxquels s'ajoutent notamment Bernard Lavalette en Amonbofis et Jacques Balutin en Tournevis, chacun excellents dans leur rôles respectifs, et surtout l'aussi talentueuse que regrettée Micheline Dax dans le rôle de Cléopâtre, qui offre à la Reine des Reines la voix qu'il lui fallait ici. Pierre Tornade assume une nouvelle fois un double rôle en donnant cette fois sa seconde voix à Numérobis. S'il ne parvient toutefois pas à réitérer l'exploit de parvenir à donner deux timbres de voix vraiment différents aux personnages qu'il incarne comme dans le film précédent, ce n'est néanmoins pas gênant dans la mesure où Abraracourcix a cette fois ci un rôle nettement plus réduit et que les deux personnages partagent des caractéristiques communes pouvant justifier un timbre de voix similaire.
Alors certes, si l'on veut, on pourra toujours chipoter sur l'animation qui reste rudimentaire et datée malgré les considérables progrès de Belvision en la matière en même pas un an. L'animation ayant en effet gagné en fluidité et les dessins en détails par rapport au film précédent, les recyclages d'animation y étant qui plus est bien moins fréquents et flagrants, tout comme la mise en scène de notre duo de réalisateurs est moins statique et classique que celle de leur prédécesseur.
Ou également reprocher à l'intrigue de perdre un peu de son piquant sur la dernière ligne droite. Il est vrai que le film réussit davantage son aspect comique qu'aventureux, et qu'avec un rythme si effréné, le climax a à peine le temps de s'installer qu'il est résolu sans grandes difficultés. A la décharge du film cela dit, c'est un défaut qui était déjà présent dans une moindre mesure dans l'album, qui privilégiait lui aussi globalement son humour à son intrigue. Et même si Alain Chabat prouvera que ce dernier pouvait être amélioré dans son adaptation live de l'album, le film ne pouvait probablement pas se permettre les modifications qu'il lui a apporté en l'état, et ça n'aurait d'ailleurs probablement pas tant collé que ça avec ce qu'il avait fait jusque-là.
Mais aussi bien face à la marge de progression considérable qu'il effectue vis à vis de son prédécesseur que par rapport aux nombreux apports qu'il fait à la saga sur le plan cinématographique sous l'œil rigoureux mais amusé de ses auteurs, Astérix et Cléopâtre demeure un excellent divertissement, tour à tour drôle, dépaysant, rythmé, personnel et entraînant, qui demeure à ce jour l'une des meilleurs adaptations et l'un des meilleurs films issue de la célèbre bande dessinée.
16/20