Assez barbant
Première apparition de notre petit gaulois préféré à l'écran. Le film a été fait dans le dos de Goscinny et Uderzo, et très déçus du résultat, les créateurs ont exigés d'être aux commandes du...
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le 18 janv. 2016
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Première adaptation au cinéma tout format confondu des aventures du plus célèbre des gaulois de fiction, Astérix Le Gaulois, adapté du 1er tome de la bande dessinée culte de René Goscinny et Albert Uderzo, est un film d'animation franco-belge de Ray Goossens produit par le studio d'animation Belvision, tous deux notamment célèbres pour avoir porté auparavant les premières adaptations animées de Tintin pour la télévision.
Le film reprend l'intrigue de l'album éponyme : Après la traditionnelle remise en contexte Gaulois de l'an 50 avant J.C. dans l'univers de Goscinny et Uderzo, l'on assiste à la première présentation d'Astérix, Obélix, Panoramix, du village et de leurs activités quotidienne. Les romains du camp de Petitbonum sous l'égide du Caius Bonus, las d'être tenus en échec par la force inexplicable de ces barbares, montent une opération d'espionnage pour enfin savoir de quoi il en retourne vraiment. Une fois le secret des Gaulois découvert, ils s'en empareront de la source dans l'optique de les vaincre dans un premier temps avant de prendre ensuite le contrôle de l'empire Romain. Seul Astérix peut désormais les en empêcher en la récupérant ...
Et peut-être tient-on déjà là un des problèmes du film : le manque de matière pour tenir un film complet combiné à une fidélité sans bornes à sa source. Un tome d'Astérix comportant 48 pages et 1 page étant environ équivalente à une minute de film, une adaptation d'un album unique nécessite des ajouts afin de pouvoir constituer un long métrage, aussi court soit-il à l'arrivée.
Or, et c'est assez ironique de la part d'un type qui avait pris des libertés monstres dans ses adaptations de Tintin par rapport au matériau d'origine, Goossens fait ici preuve d'une fidélité absolue à l'album original, adapté pratiquement à la case prêt. D'une trop grande fidélité, car on en arrive au cas de figure où ça en deviens un frein à la créativité du film qui ne s'autorise rien qui sorte du cadre de la bande dessinée. Au point même d'ailleurs de reprendre les designs alors approximatifs des personnages tels qu'ils étaient dessinés dans l'album d'origine, à l'exception d'Obélix qui est le seul qu'ils ont rapproché de son design générique (Astérix et Panoramix - bien que ce dernier n'ait ici pas recours à la cane qui l'aide à se déplacer dans l'album - étant les seuls personnages à avoir pratiquement trouvés leur design définitifs immédiatement) !
Goossens se contente du coup d'étirer certaines péripéties au possible afin de tenir les 68 minutes requises, impactant suffisamment le rythme de l'ensemble pour que l'on ressente quelques longueurs ici et là en dépit de la très courte durée du film (qui demeure à ce jour le plus court de la saga) et faisant du coup baigner le gros du film dans une confortable mollesse que rien ne semble perturber, l'album n'étant déjà de base pas le plus fourni qui soit en événements et aventures de la saga, loin s'en faut !
Là encore, il n'était peut-être pas judicieux d'adapter cet album seul et/ou si fidèlement. Bien qu'il soit tout à fait logique de vouloir pour un premier film introduire l'univers d'Astérix et que cet album ait aussi ses moments bien sympas à lui, le premier tome d'Astérix présente plusieurs problèmes dans le cadre d'une adaptation cinématographique aussi brute que celle-ci. Tout d'abord il s'agit d'un pur album d'introduction. Son histoire n'est prétexte qu'à la découverte de ses héros, de leur quotidien, de leur environnement et de son contexte, sans autre réelle visée et fonction, ne déployant aucun sous texte particulier. Et ce faisant, elle est relativement vide d'enjeux, ces derniers n'apparaissant qu'assez tardivement dans le récit et ne sont jamais vraiment pris au sérieux car non seulement Astérix est dans cet album en permanence en position de supériorité face à ses adversaires et aux obstacles qu'il rencontre sur sa route, mais parce qu'en plus le lecteur est constamment averti en amont de cet état de fait.
Et ça va poser le plus gros problème du film en définitive : le fait que Goossens ne se sert jamais de la transposition des médias à son avantage. Trop occupé à retranscrire la bande dessiné telle quelle, il ne met jamais à profit les possibilités que pourrait lui offrir l'outil cinématographique pour dynamiser son récit, et adapte encore moins la narration de l'album au format cinématographique.
Outre la retranscription trop fidèle de certains gags qui ne marchent pas aussi bien sur pellicule car ne disposant pas du même tempo comique qu'à la lecture d'une case de bande dessinée, la reproduction strictement identique du schéma narratif de l'album qui n'est dans le fond que succession constante d'énoncés et de démonstrations - qui plombait d'ailleurs déjà parfois sa dynamique - ne risque pas de se retrouver réparée ici, et c'est d'autant plus dommage qu'il eut souvent suffit de quelques modifications mineures dans la manière dont "l'intrigue" de l'album est racontée à l'écran pour dynamiser le long métrage.
Par exemple, pour la partie de l'espionnage de Caligula Minus dans le village Gaulois, il aurait été sans doute plus intéressant de nous mettre au début de l'intrigue du point de vue des romains au moins sur le strict plan de l'information. L'attention et la tension en auraient été renforcés, nous donnant du coup envie de voir Caligula réussir sa mission pour découvrir avec lui le secret, au lieu d'en faire l'égérie d'une intrigue inutilement rallongée et gentiment ennuyeuse de par le fait qu'on en connait les tenants et aboutissants à l'avance. Mais comme la bande dessinée introduit au lecteur la potion magique bien avant le camp de Petitbonum, hors de question de retarder l'apport de ses réponses et explications quand bien même il n'y avait dans le cadre du film aucun vrai besoin de les avoir nécessairement à ce moment là pour le suivi de l'intrigue ...
Ce n'est pas non plus du côté des mirettes que la relative faiblesse narrative du film risque d'être compensée ! Au-delà d'une mise en scène très statique qui ne tente absolument rien, mais qui néanmoins a le mérite d'être un minimum maîtrisée dans son classicisme, l'animation du film elle reste très basique y compris par rapport aux standards de l'époque et de ses pays de production. Ce qui n'est pas spécialement étonnant puisque Belvision était surtout connu pour produire rapidement de l'animation bon marché pour la télévision. A ce titre, il est à noter que l'animation reste bien meilleure, tant en termes de fluidité que de qualité de dessins, que ce que le studio a pu produire pour ses 7 premiers Tintin. Mais pour une production animée cinématographique de 1967, ça reste à peine passable, Goossens n'hésitant qui plus est pas à user et abuser de réemploi de plans pour faire gagner du temps à son récit et de l'argent à son film, pratique certes courante dans le milieu mais particulièrement visible ici, le bougre n'espaçant parfois ses réutilisations d'à peine 10 secondes entre elles ou vis à vis de l'utilisation originale ! Si on note en plus les faux raccords de décors assez visibles ici et là lors des travellings animés, l'ensemble, en plus de faire très daté aujourd'hui, fait également assez cheap.
Le film est nettement plus agréable à l'oreille en revanche. Le casting vocal est lui réussit et clairement le point fort du film. Qu'il s'agisse de Jacques Morel en Obélix, de Lucien Raimbourg en Panoramix, de Pierre Tornade - qui remplacera Morel dans le rôle d'Obélix d'Astérix et La Surprise de César à Astérix et Les Indiens - en Abraracourcix et surtout en Caius Bonus auquel il parvient à offrir une voix totalement différente et convenable, tous sont investis et efficaces. Et ne parlons même pas de l'aussi culte qu'excellent Roger Carel dans celui d'Astérix, qui est à ce point l'évidence même dans ce rôle qu'on peine bien à voir comment diable Christian Clavier va pouvoir en assurer la succession dans le très prochain Astérix : Le Secret de La Potion Magique !
Il en va de même pour la musique de Gérard Calvi qui en plus d'offrir un premier thème instantanément culte et iconique à notre héros, ponctue le film de compositions se prêtant parfaitement aux éléments auxquels ils sont confiés et contribuant grandement à l'ambiance très réussie du film, donnant tour à tour corps à la joyeuseté galloise du village et au militarisme du camp romain. Sans oublier bien sûr la sympathique comptine du marchand de bœufs.
En résumé, bien que je conserve une sympathie pour le film et que je n'éprouve aucun vrai déplaisir à le regarder, il est toutefois pour moi compliqué aujourd'hui de passer à côté de ses problèmes qui en font à mes yeux parmi les adaptations - du moins animées - d'Astérix l'une des moins réussies et surtout la moins intéressante.
S'il n'est pas raté pour autant, Astérix Le Gaulois demeure une introduction cinématographique assez moyenne et trop scolaire du personnage et de son univers, aux soubresauts éventuels certes suffisants pour tromper le gentil ennui qu'il finit par installer et assurer à peu près le minimum de divertissement requis, mais trop peu nombreux et marquants pour lui permettre d'être quoi que soit d'autre, et surtout, de plus.
11,5/20
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Créée
le 14 oct. 2018
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