Deux ans seulement après The French Dispatch qui semblait être l'anomalie dans le rouage de la carrière de Wes Anderson, Asteroid City pouvait d'autant sonner comme un changement radical que comme un projet de la dernière chance afin de vérifier si le spectateur pouvait toujours s'intéresser au style si particulier du cinéaste. Et pourtant, dans une indifférence totale, le film ne semble être ni l'un ni l'autre.
Il est clair que chaque nouveau projet de Wes Anderson le rapproche de plus en plus de la réalisation de toutes ses obsessions - pour le meilleur comme pour le pire - et c'est exactement dans cette optique que Asteroid City se place : quasi-bidimensionnalité théâtrale, cadre fixe à la symétrie parfaite, travelling et panoramiques latéraux… le questionnement d'un certain aspect parodique en devient presque envisageable tellement le jusqu'au boutisme de ses codes est au cœur de ce dernier. Pourtant le contexte dans lequel la narration est placée se prête parfaitement à cet exercice ; une mise en abyme d'une pièce de théâtre où les personnages sont au cœur d'une petite ville dans le désert aride du sud-ouest des Etats-Unis qui se retrouvera elle-même en quarantaine à la suite d'étranges évènements.
L'immobilisme général qui compose le film aurait pu permettre au cinéaste de jouer d'autant plus avec son style graphique (de la facticité de son décor à son exploitation des teintes pastels) que de traiter avec une grande précision et une grande intimité l'amertume existentiel et l'atypisme de ses personnages, seulement ce dernier ne sait jamais véritablement quoi en faire. La note d'intention se retrouve donc dilater entre les nombreuses sous-intrigues et la trop grande galerie de portraits où le casting de stars ne fait qu'apparaître, disparaître et insister très fortement sur son aspect clownesque (ou probablement bipolaire ou schizophrène).
Si Moonrise Kingdom ne réinventait rien dans ce qu'est en lui-même le cinéma de Wes Anderson, le film avait néanmoins pour lui cette force de coupler son cœur mélancolique (la solitude) à une grande tendresse et une belle absurdité comique avec des personnages qui se découvrait face à eux-mêmes et face aux autres. Dans Asteroid City tout est automatisé sans qu'il y ait la moindre interaction ou le moindre parcours traversé par les personnages, seul compte désormais la mise en valeur d'un casting de luxe afin de monter fièrement les marches du Festival de Cannes. Alors que ses prochains projets sont déjà en préparation, il semblerait que le spectateur devra bientôt se résoudre à voir un nouveau Wes Anderson tous les 3 ans dans un habituel style qu'il ne semble pas prêt d'abandonner et que dans un élan d'ennui général seuls les Cahiers du Cinéma continuent à le défendre.