Cela fait tout de même plaisir de retrouver Wes Anderson au cinéma. Même s’il faut le dire : The French Dispatch, aussi beau soit-il, n’arrivait pas à la hauteur de ses anciens films. Il est vrai que quand on achète son ticket de cinéma, on sait à quoi s’attendre : l’effet de surprise s’est dissipé avec le temps, et le style andersonien est devenu assez classique. Et Asteroid City n’échappe pas à ce constat.
Dès les premières secondes du film, on sait qu’on est dans un film de Wes Anderson : des plans calculés au millimètre près, une symétrie implacable, une neutralité exagérée des comédiens qui crée un sentiment d’absurde, etc.
Une adresse au spectateur plante le décor : nous nous retrouvons au théâtre, et la pièce qui va nous être jouée, c’est Asteroid City, pièce qui se déroule au milieu du désert, à proximité d’un cratère.
La photographie parvient à capter notre attention, instantanément. C’est à mon sens le miracle andersonien : séduire immédiatement le spectateur par un plan, un seul. Chaque image est poussé à un tel degré de perfection qu’elle déroute, toujours. Pourtant, ce perfectionnisme ne laisse pas à froid le spectateur. Au contraire, l’ensemble crée un univers enfantin et onirique qui dégage une chaleur, une tendresse, semblable à une douce nostalgie qui chatouillerait vos cinq sens. Certains plans sont sublimes, comme cette scène du balcon entre Jason Schwartzman et Margot Robbie, peut-être une des plus belles et marquantes de la filmographie du réalisateur.
Il y a toujours cette colorimétrie pop et bonbon qui éclate à l’image, qui contraste avec la géométrie parfaite de la caméra et le sérieux des comédiens.
Asteroid City reste, comme chaque film du réalisateur, une petite ode à la créativité, à l’inventivité, à l’artisanat et au fait-main, dont le tout crée un spectacle enchanteur. En témoigne la conception de l’extraterrestre et de son vaisseau, d’une simplicité touchante. Même si Wes Arderson propose à nouveau des arcs narratifs qui se croisent et se répondent, son utilisation, ici, est assez pertinente : en montrant à quel point le jeu et la vraie vie se font écho, Asteroid City déploie une puissante et belle lettre d’amour à l’art de la scène. Sauf qu’une nouvelle fois, Anderson peut nous perdre, et laisser son spectateur perplexe — ce qui n’est pas un défaut en soi, mais en l’occurrence, il manque des clés.
Une maîtrise parfaite donc, mais redondante. C’est juste que The Grand Budapest Hôtel et l’Ile aux Chiens semblent avoir déjà montré le metteur en scène au sommet de son art, le Graal du style andersonien. Difficile dès lors de sortir de ses propres codes.
Peut-être que le réalisateur s’en est rendu compte, car il me parait que l’accent est davantage mis sur la narration, moins touffue, plus claire que son prédécesseur. Des histoires toutes différentes réunissent les personnages et coexistent dans l’œil de Wes Anderson : un père en deuil, une actrice habitée et une mère perdue, des ados en quête de reconnaissance, d’existence. Wes Anderson construit un microcosme fascinant, qui, en dépit d’un sentiment de lassitude (?), convainc à chaque fois.