La vie est parfois mal faite.
Atlantide: L'empire perdu ne fait pas partie de ces films qui m'ont accompagné durant l'enfance, je l'ai souvent négligé et les quelques visionnages que j'ai pu en faire n'ont pas été les plus marquants. Et pourtant, quasiment deux décennies plus tard, le film vient de me mettre un genou à terre et une claque dans la nuque.
J'aurai donc du mal à pester contre son échec commercial, et encore moins contre les critiques souvent négatives à son encontre, ayant fait moi-même partie de celles-ci. Atlantide devrait donc, je l'espère, connaître une réhabilitation au cours du temps et ce, pour de nombreuses raisons.
Une épopée mature et Jules "Vernesque"
Il en existe sûrement pas deux comme Atlantide dans tout l'univers Disney, on pourrait certainement faire le lien avec un autre de leurs films, tout aussi casse-gueule et incompris, La Planète au Trésor. En effet, on y retrouve dans l'un comme dans l'autre un personnage principal masculin loin des standards de Disney (Jim & Milo), doté d'une intelligence grisante ou d'une personnalité débordante, hanté par la perte de leur paternel et voulant renouer avec leur passé.
Atlantide est une aventure totalement exquise et aux éléments distinctifs, cette descente dans les fonds marins commence d'abord par une introduction digne d'un Indiana Jones, on y découvre un héros chétif inconscient de ses capacités (Milo étant le seul à déchiffrer un langage que les atlantes ne maîtrisent pas eux-mêmes) mais déterminé plus que jamais. Jusque là rien de très original je vous l'accorde. Mais cette bienveillance et cet enthousiaste que dégage Milo viennent renforcer son capital sympathie et permettent de mettre en relief le sacrement d'un héritage oublié. Il est l'élément déclencheur au milieu d'une excursion qui rappelle énormément les croquis de Jules Verne et laisse planer une atmosphère épique. Milo est l'incarnation de la connaissance et son rôle est loin d'être anodin, et encore moins sous-développé.
"Je le suivais avec une confiance inébranlable. Il m'apparaissait comme un des génies de la mer, et quand il marchait devant moi, j'admirais sa haute stature qui se découpait en noir sur le fond lumineux de l'horizon." - Vingt Mille Lieues sous les Mers, Jules Verne.
Milo est une sorte de Capitaine Nemo, sans les attraits physiques bien sûr, mais en préservant la symbolique de ce qu'il tente de représenter. Il se fait le guide spirituel et linguistique d'un groupe d'humains, ces derniers motivés par des convictions putrides.
Enfin pour terminer sur ce point, revenons sur l'introduction du film que je trouve véritablement éveillée. Dans les dix premières minutes du film, on nous présente une civilisation, le spectateur a le temps de se faire une idée de la culture atlante et peut se familiariser avec les espoirs du personnage principal. Cette destinée tragique est mis en lumière de manière tangible et spectaculaire, sans jamais tomber dans le mélodrame. La chute de cet empire nous est montré très concrètement au lieu d'être suggérée ou idéalisée. Personnellement cela m'a donné envie d'en savoir plus, tout autant que Milo. Je conçois que cela ne fera pas le même effet chez tout le monde.
Un mariage visuel entre Disney et Miyazaki
Visuellement il serait injuste de ne pas reconnaître les énormes qualités du film. Doté d'une esthétique steampunk, Atlantide offre une multitude de séquences époustouflantes. Jusqu'à l'arrivée dans la cité, on y découvre des fonds marins avec un sens des proportions et un souci du détail qui rappellent un certain Nausicaa et les nombreux monstres qui y sommeillent viennent renforcer cette ambiance visuelle. Que ce soit le grand léviathan, les machines géantes d'un ancien temps utilisés par les personnages, le peuple de l'atlante et leurs tatouages tribaux, ce mélange des couleurs mélangeant le fantasme à la réalité, l'horreur au merveilleux, c'est pour moi une totale immersion visuelle et sonore. Le film parvient à combiner de superbes images avec un scénario simple dans la forme mais riche dans le fond, à qui veut bien s'y aventurer en profondeur...
Incompris par les enfants, délaissé par les adultes.
A l'image de son thème principale, c'est-à-dire l'Atlantis, le film devrait connaître la même issue, oublié, souvent moqué et rangé dans le fond du tiroir de Disney.
On a tendance à pester contre Disney pour ses codes moraux trop flagrants et pour ses histoires larmoyantes, faites de rêves et de bonnes consciences pour les touts petits et pour rappeler aux plus grands leur manque de bonté.
Malheureusement Atlantide fait le choix de ne pas parler du coeur des personnages, ni de leur courage à toute épreuve, mais laisse exploser son savoir-faire et ouvre une porte émotionnelle sans nous y forcer. Ce sont des adages que je ne dévalorise pas, mais dans mon cas personnel il est rare que cela me touche profondément.
Racontant une histoire plus adulte, montrant les répercussions de nos choix grâce à des sujets qu'il aborde astucieusement, tels que la cupidité, la soif de savoir, le pillage... ces fouilles de l'extrême dans l'Atlantis font écho à une réalité, nombreux sont les temples et les lieux dits sacrés qui ont été saccagés pour le "bien" de la science. Le film ne vend pas la chose telle qu'elle mais il le sous-entend fortement. Ces pillages incessants font le lien entre un capitalisme cupide et le non-respect de certains rites ancestraux. Mais encore une fois le film, ayant l'étiquette Disney, ne pourra pas bénéficier d'une réflexion très poussée car jugée excessive, "ce n'est qu'un dessin animé".
Une version live-action plutôt que de l'animation ?
J'aurai beau dire tout le bien que j'en pense, Atlantide aurait peut-être été plus intéressant dans une production live, avec de vrais acteurs. Les personnages sont tous marqués par une personnalité forte et distinctive, on est loin des blagues puériles et leurs agissements tout comme leurs interventions sont des moteurs physiques pour l'histoire, c'est une équipe expérimentée, aucun ne se ressemble et leur excentricité est absorbée par cette expédition. On voudrait en savoir plus, on aimerait les voir davantage en action, mais le film ne s'y attarde pas énormément et c'est certainement un regret. On se consolera en se disant que ce sont des personnages qui ne tombent jamais dans le ridicule, même si le capitaine et son acolyte la blondasse font assez caricaturaux, l'alchimie générale offre un rendu très acceptable. En bref, ces personnages pourraient très facilement être calqués et approfondis dans un remake live, leurs discussions et leurs dévouements sont loin d'êtres enfantins.
En définitif, Atlantide: l'Empire Perdu n'est pas loin d'être un chef-d'oeuvre de l'animation pour les nombreuses raisons énumérées plus haut. Probablement l'un des films les plus sous-estimés du catalogue Disney, Atlantide est un pur produit de science-fiction, souffrant de la négligence des spectateurs sur sa force visuelle mais aussi narrative. C'est un film généreux, nostalgique, bourré de références littéraires, parfois maladroit dans sa volonté de bien faire, il semble traîner avec lui quelques parti pris qui lui ont valu de nombreuses critiques acerbes. Si cela peut le réhabiliter aux yeux de certains de mes lecteurs, j'en serai très heureux, quoi qu'il en soit il était important pour moi de mettre des mots sur cette pépite du cinéma d'animation 2D... un genre perdu sur une cité perdue pour un film en perdition, ça fait beaucoup, non ? Sûrement l'ironie du sort...
(8,5/10)