Vu en ce mois d’avril 2022, le film de Valentyn Vasyanovych se révèle être un film particulièrement bien vu et bien pensé, au regard de la funeste actualité. Le réalisateur ukrainien réussit un film âpre et dur sur son pays.
L'histoire suit Sergiy, essayant de naviguer dans la vie dans l'est de l'Ukraine. Elle se déroule en 2025, un an après la fin d’une guerre avec la Russie. Il travaille dans une fonderie avec un autre ancien combattant et ami, Ivan. Alors que son usine est fermée peu de temps après en raison de la libéralisation économique qui la rend non rentable, Sergiy se trouve alors un nouveau travail. Il conduit d'un camion-citerne et de livraison dans des zones où la pollution due à la guerre a rendu les sources locales impropres et travaille également pour une organisation bénévole exhumant et identifiant les morts à la guerre.
Sorti une première fois en 2019 et tourné en 2018, il faut saluer la capacité et la justesse avec laquelle Vasyanovych a su prédire le funeste destin de son pays. En effet, l’actualité donne entièrement raison au cinéaste. Certes la Crimée avait déjà été annexée par les Russes et la menace russe était peut-être sous-jacente, mais son observation et l’imagination qu’il s’est fait de ce que serait l’Ukraine un an après une guerre contre la Russie s’avère tout à fait exacte. Car les images du pays que l’on voit dans le film sont malheureusement celle que l’on voit actuellement dans les journaux. On voit à travers de film une Ukraine sans vie, détruite, encore dans une sorte de black-out comme encore sous le choc. Les villes sont détruites, les routes boueuses et encore minées. Il faut encore déterrer et identifier les cadavres.
Mais ‘Atlantis’ est aussi un film sur ce que l’on appelle le SSPT ou « syndrome de stress post-traumatique ». Le film suit deux anciens vétérans. Comment peuvent-ils survivre à ce qu’ils voient sans aide ? Comment peuvent-ils oublier la guerre quand tout autour d’eux (les ruines, les corps que l’on déterre, les collègues de travail) la leur rappelle ? Les deux amis continuent d’ailleurs de s’entraîner en tirant sur des cibles métalliques, comme si la guerre avait encore lieu. L’un ne pourra d’ailleurs pas s’en sortir, Ivan faisant le choix de se donner la mort. Sergiy choisit de vivre. Il pourra compter sur son travail et sur une bénévole de l’organisation Katya qui l’aidera à se recentrer sur l’avenir. Cela dit, est-ce possible ? Une scène de pétage de plomb nous montre à quel point il est fragile et traumatisé.
Comme ‘Große Freïheit’ de Sebastian Meise, ‘Atlantis’ fait le choix de la frontalité et de la crudité. Rien n’est épargné au spectateur mais cela est cohérent avec le propos, la démarche d’immersion. Car le spectateur est mis face à une situation et il comprend, s’il ne l’a pas déjà compris, ce qu’est l’Ukraine aujourd’hui. En termes de mise en scène, le cinéaste fait logiquement le choix de plans séquences pour accompagner son personnage ainsi que son spectateur dans le film. J’ai trouvé le film très efficace, en témoigne la première séquence. Filmés par une caméra thermique, trois soldats tuent puis enterrent un quatrième homme. Cela donne le ton. Le film sera âpre, dur.
Le film fait preuve d’une grande précision quand il s’agit de psychologie. Tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. Vasyanovych montre la complexité de la situation des deux personnages et plus particulièrement de l’Ukraine. Cette guerre a ravagé le Donbass. Les deux vétérans sont ostracisés par d'autres travailleurs qui les accusent d'avoir combattu pendant la guerre qui a dévasté la région. Cette situation fait évidemment écho à la situation du Donbass en Ukraine.
Ce film ne sortira pas dans beaucoup de cinémas, mais si vous avez l’occasion de le voir, ne ratez pas ce film choc d’une grande force et très intéressant au regard de l’actualité.