Attaque !
7.4
Attaque !

Film de Robert Aldrich (1956)

Ce film de Robert Aldrich …

Je commence par la fin parce que je sais que je vais lui mettre 9 … Comme ça. Parce que le film, je le connais depuis longtemps et que je m'y laisse toujours prendre.

Et pourtant, il ne paye pas de mine ce film, il est en noir et blanc, ça piaille du début à la fin, il n'y a pas beaucoup d'actions ou les actions ne sont pas très héroïques, on se croirait presque dans du théâtre filmé, … mais P….n, quelle puissance dans le jeu des acteurs, quel réalisme, quelle force dans les plans, quel sens profond de ce film …

Le film est sorti en 1956 alors que les USA, peinent à sortir du conflit coréen et commencent à s'impliquer au Vietnam. Et Aldrich dans tout ça, il renouvelle un peu les genres que ce soit dans le western (Bronco Apache où on prend clairement la défense des indiens), le film noir (En quatrième vitesse) et le film de guerre. On n'est plus dans l'apologie de l'armée américaine toute puissante et accueillie à bras ouverts par une population délirante et reconnaissante, on n'est pas non plus dans les grandes épopées ou fresques. On s'intéresse essentiellement aux hommes embringués dans ces aventures et dont l'espérance de vie n'est pas si élevée. Parmi ces hommes, il y a de tout, du combinard au naïf, du lâche à l'intrépide. Mais tous ressentent une angoisse existentielle. Et la peur prend autant de visages qu'il y a d'hommes. Il ne faut pas grand-chose pour basculer d'un côté "clair" à un côté "obscur".

Aldrich décortique ici les mécanismes de fonctionnement du groupe en temps de guerre. La solidité, la cohésion d'un groupe repose sur la confiance en l'autorité, sur la solidarité des éléments du groupe entre eux, garants des bonnes décisions et donc de la survie.

Dans "Attack", Aldrich va analyser le groupe à travers des archétypes dans toute une série de huis-clos successifs. Les archétypes, ce sont l'officier subalterne, Costa (Jack Palance) face à sa hiérarchie directe, le capitaine Cooney et son supérieur, le lt-colonel Clyde (Lee Marvin). Mais ce sont aussi la troupe qui observe, avec inquiétude, les démêlés entre les chefs qui menacent cette cohésion. Là, l'archétype, c'est Bernstein (Robert Strauss) qui exprime cette angoisse qui submerge l'habituel fatalisme de l'homme de troupe.

Si Aldrich pointe sans ambiguïté la lâcheté du capitaine, cause directe de l'anéantissement de certaines sections de sa compagnie ainsi que l'affairisme du Lt-Colonel qui maintient un statuquo au niveau de la compagnie pour son propre intérêt, il ne prend pas pour autant un ton accusateur ou antimilitariste. Il se contente d'en faire le constat et d'en mesurer les conséquences. Il n'y a aucun manichéisme dans les propos d'Aldrich. Les personnages ne sont jamais complètement noirs ou blancs. Aldrich développera et analysera de la même façon ces mécanismes de fonctionnement de l'armée une dizaine d'années plus tard avec "les douze salopards".

D'un point de vue casting, c'est bien sûr Jack Palance qui retient l'attention. Il est complètement habité par son personnage de lieutenant dur et violent mais juste. Il ne dérogera jamais de son attitude de devoir et d'homme responsable de ses subordonnés.

Spoiler : son look à la fin du film est juste inoubliable …

Lee Marvin dans le rôle du Lt-Colonel est aussi très bien vu dans son rôle de meneur, de rassembleur qui concilie ses devoirs avec ses intérêts.

Et puis, un mot sur la mise en scène efficace et très réaliste des scènes d'action, souvent désespérées et qui comportent une bonne dose de violence, peut-être un peu inhabituelle en 1956. Il y a une violence désespérée dans les scènes d'attaque vouées à l'échec. Il y a de la fureur quand Palance s'empare d'un bazooka pour attaquer seul les gros panzers allemands. Les prises de vue des soldats à l'attaque en contre-plongée quand ça fonctionne, en plongée quand la troupe, écrasée, se fait dessouder par l'ennemi.

Film passionnant, réaliste et efficace. Du grand cinéma.


JeanG55
9
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le 28 août 2024

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