Durant les décennies 70 & 80 du siècle dernier, Delon & Belmondo régnaient en roi en se baffrant du cinéma populaire français comme on se goinfre un gâteau. Aussi bien fraternels que mégalomaniaques, les deux mastodontes se lancaient régulièrement des duels par grands écrans interposés afin de déterminer qui aurait la plus grosse au box-office.
Du haut de mes 8-10 ans, j'avais rejoins les rangs du chevalier blanc Bebel. Il était mon tonton imaginaire, cool, rieur, cascadeur, distributeur automatique de ramponneaux et toujours armé des plus beaux flingues.
Quant à lui, Delon représentait le côté obscur du duo avec une réputation en partie forgée par des polars où il apparaissait très souvent taciturne, sévère, glacial et certainement trop paternaliste pour moi.
L'âge faisant, Bebel le tonton est devenu ce pote que j'apprécierai éternellement pour me remémorer le bon temps passé ensemble. Dorénavant, j'ai tendance à rattraper Delon qui tient un discours plus adulte et quoi qu'on en pense, pour avoir fréquenté les plus grands (Visconti, Melville, Blier, Verneuil, Lautner, Bernard-Henri Lévy...), la classe internationale du mec impose le respect.
Parmi sa pléthorique filmographie, j'ai récemment cueilli dans les champs du web "Attention, Les Enfants Regardent" (1978) de Serge Leroy. Ce film et son réalisateur sont apparemment tombés dans l'oubli puisque je suis seulement le 18ème à le noter ici-bas.
Quatre gosses de riches (Laetitia, Marc dit Boule, Dimitri & Marlène) oscillant entre 5 et 12 ans sont en vacances à Antibes dans une vaste et somptueuse villa bordant la Méditerranée. Les gamins sont délaissés par leurs parents cinéastes partis en tournage et laissés à la charge de leur gouvernante espagnole Avocados.
Ces enfants odieux, racistes et grossiers se débarrassent de leur souffre-douleur en la poussant à la noyade sur leur plage privée. Cependant un homme à la tignasse corbeau, crasseux et fauché dont on ignorera toujours tout, est le seul témoin du terrible forfait.
La première moitié du film trempe dans un subtil humour noir illustré par des dialogues savoureusement grossiers qui sont toujours plus drôles dans la bouche des enfants des autres. Désormais livrés à eux mêmes depuis leur crime, les mômes s'accordent tout ce qui leur était interdit : orgies de sucreries, fumer des clopes, mater des films violents ou pire s'infliger le disco de Sheila !
Pendant ce temps là, Delon rôde sournoisement autour des enfants comme le grand méchant loup jusqu'à investir et piller la villa tout en terrorisant le gang de merdeux en les menaçant de son flingue, se gavant d'Heineken ou en leur distribuant des torgnoles.
Bien que Delon soit la star du film, son rôle est court mais suffisamment charismatique. Le quatuor de morveux forme une troupe d'acteurs principaux, employés avec intelligence par Leroy pour leurs compétences naturelles sans en faire des êtres surnaturels. Sans atteindre le niveau d'angoisse de la séquestration de "Funny Games" d'Haneke, l'ambiance du thriller empreinte au chef d'oeuvre de Laughton "La Nuit du Chasseur" mais Serge Leroy n'est malheureusement pas parvenu à maintenir une angoisse qui montait crescendo (la réapparition du corps, le jardinier curieux, les gendarmes, l'amant de l'ibérique...) en trébuchant lors d'un final osé mais trop soudain lors duquel Delon est flingué par un gamin de 10 ans.