Je vous présente une grosse purge qui constitue la première rencontre entre Sean Connery et Terence Young. Oui, cinq ans avant James Bond 007 contre Dr. No, les deux hommes avaient déjà tourné ensemble. Sauf qu’à l’époque, Sean Connery n’était encore qu’un inconnu qui cumulait figurations et rôles secondaires. Donc, ici, il n’incarne qu’un second de navire très porté sur la bibine, sur la bagarre et sur le non-respect du consentement des dames (je vais revenir un peu plus tard sur ce dernier point précis !). Il fait acte de présence un peu au début et un tout petit peu à la fin.


Martine Carol, l’actrice principale du film, dira, quelques années après le tournage, que Sean Connery aurait été bien plus convaincant dans le rôle du héros que Van Johnson. En effet, ce dernier essaye de faire croire qu’il est un baroudeur cynique, cupide, ayant roulé sa bosse partout (mais avec un grand cœur, cela s’entend !) à la Bogart. Le problème, c’est que si le personnage exige une dureté et une virilité supérieures à celles d’un chiot chihuahua, Johnson est alors clairement une erreur de casting. Et je pense que Martine avait raison, Sean Connery aurait certainement pu assurer dans ce registre.


Mais Sean Connery ou non en tête d’affiche, le film serait resté une grosse purge. L’erreur de casting est très loin d’être le seul problème d’Action of the Tiger (oui, ne me demandez pas pourquoi les distributeurs français ont foutu un fichu volcan dans le titre !).


Alors pour commencer, non, une tentative de viol ne peut pas donner lieu à un instant de comédie. Il faut sérieusement être teubé pour croire cela, même en 1957.


Ensuite, l’intrigue se déroule dans l’Albanie d’Enver Hoxha. Pour celles et ceux qui ne savent pas qui était Enver Hoxha, ce charmant monsieur, très élégant, ayant même l’allure d’un dandy, était certainement le pire dictateur communiste européen de l’histoire. Peut-être même pire pour son peuple que Staline pour le sien. Il était profondément sanguinaire, paranoïaque et il a isolé du reste du monde, comme ce n’est pas permis (ce qui faisait considérer l’Albanie comme une véritable Corée du Nord au sein des Balkans !), la population qu’il a tyrannisée pendant quarante années. Toute forme d’opposition, ou soupçonnée de l’être, y était réduite à néant d’une manière implacable et efficace, notamment à cause de sa redoutable police politique, ayant un œil partout, la Sirigumi.


Le personnage principal féminin veut sauver son frère qui est coincé dans ce pays, à la merci de cette dictature, en allant l’aider elle-même à s’enfuir, en se rendant sur place, avec l’aide du héros. Ben, c’est le cadre parfait pour un film d’action particulièrement intense, baignant dans une atmosphère anxiogène, dans lequel l’ennemi est puissant et partout. Et il y a une réplique du héros bien faite pour annoncer toutes ces promesses de sensation permanente de danger, à travers une blague portant un fond de vérité, disant que la police politique compose la moitié de la population. Sans parler que ça met en avant le sujet peu abordé au cinéma de la dictature d’Hoxha. Euh… non…


En fait, on débarque dans l’Albanie d’Hoxha comme dans un moulin. On circule à l’intérieur du pays hyper-facilement. De temps en temps, il y a bien un méchant garde stupide à zigouiller pour pouvoir continuer. On y croise que des personnages qui sont de véritables caricatures sur pattes. Pour la langue, aucun souci, tout le monde a minimum son B2 en anglais, à tel point que les Albanais parlent même la langue de Shakespeare entre eux. Les rebelles au régime vivent tellement à la cool qu'ils se permettent même de se faire une teuf d’enfer, comme à Ibiza, mais en plus local, avec la musique à donf. D’accord, quelquefois, les méchants cocos attrapent les gentils par surprise, comme s’ils apparaissaient par magie (quand les gentils trouvent un refuge, ils n’ont pas idée de surveiller en permanence au cas où quelqu’un d’indésirable viendrait se pointer ?), mais un deus ex machina sorti d’absolument nulle part arrive à chaque fois par la magie de la paresse scénaristique pour les sauver. Quant à la tension qui pourrait ressortir en ce qui concerne le fait que la moitié des personnages qu’ils croisent pourrait trahir leur présence et leurs intentions ?


Ben, il y a bien un traître, mais en fait ce n’est pas un traître.


La tension se fait niquer profond, la vraisemblance aussi. Ah… et pour le sujet de l’Albanie d’Enver Hoxha ? Il n’est jamais exploité, à part que c’est juste un pays avec des méchants cocos pas gentils. Cela aurait pu être n’importe quelle autre dictature (allant à l’encontre des intérêts de l’Oncle Sam, faut pas déconner tout de même !) que cela n’aurait absolument rien changé.


Ah oui, Martine Carol (qui n’a aucune alchimie avec Van Johnson au passage, en conséquence, pour les relations entre leurs deux personnages, on repassera !) … oui, Martine Carol a beau être traquée par les sbires d’Hoxha, dans des environnements naturels bien paumés, elle est toujours tirée à quatre épingles, coiffée impeccablement, avec tout le temps la bonne couleur de rouge à lèvres. Elle semble davantage sortir tout droit d’un dîner à la Tour d’Argent que d’autre chose. Même les larmes de glycérine, lorsqu’elle fait (mal) semblant de chialer, ne ruinent pas son maquillage. Et lors d’une séquence complètement gratuite, on voit ses nichons. C’est certainement pour que le spectateur évite de se dire qu’il a perdu entièrement une heure et demie de son existence à visionner une purge.


Que sauver à part les nichons ? Quelques extérieurs de la Grèce et de l’Espagne de Franco (qui donne ici ses paysages à l’Albanie d’Hoxha !), mais desservis par une photo trop uniforme, manquant de contraste, donnant l’impression que les comédiens ont un peu trop abusé du fond de teint. Ouais, c’est tout en fait, avec le lien avec Bond (mais cela n’a rien à voir avec une quelconque qualité intrinsèque de l’ensemble !).


Tiens, pour conclure par une autre anecdote à propos de l’espion, un des méchants membres de la police politique est joué par Anthony Dawson, qui incarnera par la suite un des antagonistes de Dr. No et prêtera son corps au Blofeld sans visage des premiers films de la saga 007.

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le 11 nov. 2022

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