"On prend sur soi."
Il y a au départ la petite histoire qui donne son origine cocasse au film : la rencontre, tumultueuse pour le moins, de François Ruffin avec Sarah Saldmann, chroniqueuse sans grande finesse du...
le 2 oct. 2024
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On va tout de suite évacuer un truc, je suis une indécrottable gauchiasse et plus je vois l'état de notre société, plus j'affirme ma position politique et plus je trouve la droite dangereuse et contraire aux idées de progrès et d'humanité qui m'animent. Et sur l'échiquier politique actuel, j'exclus le PS de la gauche ! Si déjà cette double assertion militante provoque en toi des descentes d'organes et la furieuse envie de noyer des chatons, pas sûr que la suite va t'emballer.
Après si t'es pas aussi radical que ça, tu peux quand même aller voir cette "comédie documentaire" et peut-être t'interroger sur les discours dominant qui gangrènent les grands média et justifient les choix politiques désastreux qu'on nous impose.
L'idée du documentaire est assez simple, Francois RUFFIN se retrouvant sur le plateau de l'émission de RMC "les grandes gueules" face à Sarah Saldmann avocate ultra libérale parisienne qui multiplie les prises de positions qui appartiennent sans le moindre doute au champ du mépris de classe. L'une de ses saillies, qu'on croirait ressuscitée de l'Ancien Régime - s'ils n'ont pas de pain qu'ils mangent de la brioche. Et détendez vous, chers amis historiens, je sais que cette phrase n'a jamais été prononcée par Marie-Antoinette, c'est pour l'illustration - dans laquelle elle affirme que "1300 euros par mois c'est déjà bien qu'ils vont pas se plaindre !" De là l'invitation sous forme de défi lancée par Ruffin lui proposant de vivre un ou deux mois avec cette somme et d'assurer avec les charges incompressibles qu'on a tous.
Contre toute attente elle relève le "défi", juste pour une semaine, mais il faut saluer l'audace de cette future transfuge de classe.
Le film essaie de concrétiser un rêve fou du prolétariat depuis ... toujours je pense, mettre les riches au travail ! Car bien vite il est apparu aux réalisateurs et scénaristes derrière le projet que déjà pour des questions légales, couper les revenus de cette personne pour réellement la faire vivre avec un SMIC d'assistés (le terme reviens plusieurs fois dans la bouche de l'avocate, chroniqueuse) c'est compliqué. Ils ont décidés finalement de l'emmener dans un road trip à travers la France à la rencontre de tous ces gens invisibilisés par nos politiques ou nos élites médiatiques, que le film désigne sous la très belle expression "ceux qui tiennent le pays debout."
On voit donc une Sarah multiplier les expériences "professionnelles", chauffeur livreur, travail à l'usine, agriculture, aide soignante, bénévole au contact des bénéficiaires des minima sociaux, restauration, boîte de réinsertion par l'emploi. L'aspect comédie est présent lors de ces "échanges" tant la pauvre fille parait presque idiote avec ses talons et ses idées reçues, brandies comme vérité d'évangile à propos de cette France qu'elle insulte à chaque intervention qu'elle ose !
L'idée est bonne, elle se tient tout du long du film et si l'envie de la gifler m'a une ou deux fois traversé l'esprit, la faire se confronter à cette France qui se lève, qui souffre, qui n'est même pas sûre d'atteindre l'âge d'une retraite encore repoussée par une législation d'une injustice totale, apporte quelque chose de nécessaire à cette catégorie sociale : réaliser et comprendre que quand ils osent des remarques comme celles que sarah sort ce sont des millions de personnes qu'elles insultent.
Une séquence dans la salle de repos d'une usine d'emballages de poissons dans laquelle un homme de 38 ans explique qu'il est en miettes, avec des prothèses partout à cause de la pénibilité de son travail comptent avec celle de l'aide à domicile ou de la bénéficiaire du contrat de réinsertions par l'emploi parmi les plus fortes en humanité du documentaire. Et on est même surpris de déceler chez Sarah une forme d'empathie, mais elle cherche cependant, sinon à justifier au moins à minimiser la portée de ses mots et c'est là que le projet montre ses limites.
Car si dans l'ensemble j'ai plutôt été réceptif à l'idée de voir une nantie ainsi mise face à cette population et face à ce qu'elle leur doit, je pense qu'au final ça ne servira à rien !
Parmi les défauts notables du film, les interventions de Ruffin qui pousse Sarah à reformuler sa pensée à grands coups de "alors tu va encore dire que c'est des feignasses en pensant à eux ?" ben non Toto, mais on aurait aimé que cela vienne d'elle, pas d'une question rhétorique. J'ai aussi été embêté lors d'une séance assez courte où Sarah liste ses rêves matérialistes, où Ruffin ne peut s'empêcher de sortir la carte du gauchiste donneur de leçons qui lui ferait autre chose de ce pognon. On a envie de lui rétorquer qu'il sort de son rôle, qu'il tombe lui aussi en ce faisant dans les clichés, inversés certes, mais clichés quand même qu'il a voulu démonter tout le long du documentaire, et qu'enfin si la gauche est à peu près inaudible aujourd'hui c'est en grande partie à cause de ce genre de discours, qui laisse croire que le dessein de la gauche c'est supprimer les riches alors que c'est abolir la pauvreté !
Si j'étais sûr que le film touche un public résolument de droite, si j'étais sûr qu'après l'avoir vu ils interrogeraient leurs pensées sur les précaires et tous ceux qu'on leur désigne comme les responsables des difficultés qu'ils peuvent traverser, alors ce film mérite 4 étoiles, mais comme je crains que l'entreprise soit vaine et ne touche que les personnes déjà convaincues, dont je suis, et parce que la fin tend à prouver que la transfuge de classe temporaire n'a finalement rien retenu de son expérience, je lui concède un petit 3 étoiles, des encouragements pour l'effort mais tempérés par ces limites.
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il y a 8 jours
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