Comment cultiver son don pour la musique classique, alors qu’on en est réduit à aligner les larcins pour faire survivre sa famille dans une cité ? C’est une question intéressante qui aurait mérité mieux que le traitement superficiel que lui réserve ce film cacophonique et parsemé de nombreux bémols.
On y suit le jeune Mathieu (Jules Benchetrit), qui entre deux chapardages, enchaine les croches sans anicroche sur les piano mis à disposition dans les gares. Il y a attire l’attention de Pierre Geithner (Lambert Wilson), directeur du Conservatoire de Paris, qui voit en lui le futur champion de son établissement.
Difficile de faire original dans le genre ultra-balisé des « films à performance » où un personnage va tout donner afin de s’accomplir. Pourtant, décloisonner la musique classique des murs austères du Conservatoire vers les cités des banlieues aurait pu amener un peu de fraicheur à cette histoire vue et revue. Parfois, le film s’aventure à critiquer le Conservatoire où la musique y est plus travaillée que jouée. Il évoque aussi ces étudiants provenant d’un milieu aux préoccupations à l’extrême opposé de celles des classes sociales moins favorisées. Ces pistes ne sont malheureusement que trop fugacement évoquées et le récit retombe très vite dans une routine archi-balisée, mécanique et prévisible. Pire, il distille un discours nauséabond sur les jeunes des quartiers défavorisés qui ne pourraient que voler et dealer si un bobo parisien ne leur donnait une opportunité. Somme toute, il s’agit d’une vision très macroniste de la pédagogie musicale, qui sert avant tout à augmenter les effectifs de l’école de musique et à obtenir sa promotion au Conservatoire de New York. Pour les idéaux, on repassera.
Du côté de l’interprétation, Lambert Wilson et Kristin Scott Thomas font ce qu’ils peuvent pour incarner leurs personnages découpés à la truelle, aux motivations peu cohérentes. Aucun des acteurs n’étant musicien, on se surprend à remarquer toutes les astuces de montage et de mise en scène afin de ne pas montrer leurs mains sur le clavier. Enfin, pour un film dont la musique est le sujet central, il serait légitime de proposer une bande originale inspirée. En lieu et place, on a droit à un gloubi-boulga aussi incohérent que les intentions des protagonistes du film, combinant Chopin à Franz Ferdinand en passant par Rachmaninov et une reprise des Pixies au piano et confirmant qu’Au bout des doigts ne raisonne pas plus qu’il ne résonne.