Il était une fois le duo Jaoui-Bacri que je suis depuis leurs premiers films en tant que scénaristes (pour Alain Resnais et Philippe Muyl). J’ai vu la bande-annonce sans chercher d’autres informations avant de voir le film.
C’est ce qu’on appelle désormais un film choral, un genre qui est loin de fonctionner à tous les coups. Ici, je me suis longtemps demandé où Agnès Jaoui (réalisatrice) voulait vraiment en venir, alors qu’elle multiplie les personnages et les met rarement en scène à plus de 3 ou 4. J’ai eu un peu de mal à assimiler les relations exactes entre les uns et les autres.
Le titre est une indication évidente. De fait, on remarque plusieurs situations qui utilisent des contes bien connus. Pêle-mêle, j’ai ainsi reconnu des détails (ou plus) évoquant notamment Le petit chaperon rouge, Blanche-Neige et les sept nains, Cendrillon et Peau d’âne. La musique rappelle également souvent l’atmosphère des comptines. Et puis, Marianne (Agnès Jaoui) joue à la maîtresse animant une scène avec princesse et chevalier servant (des enfants), etc.
D’autre part, chacun des personnages se débat avec ses soucis personnels et sa vie sentimentale, celle-ci étant perturbée par des envies de pure séduction.
Le film débute par l’enterrement du père de Pierre (Jean-Pierre Bacri) que celui-ci n’avait plus vu depuis plusieurs mois, il est incapable de préciser. A l’occasion une vieille prédiction revient sur le tapis : une voyante aurait annoncé à Pierre la date de sa propre mort, une date qui approche furieusement, courant mars…
Et puis, la jeune Laura (Agathe Bonitzer) qui désespère un peu de trouver l’homme qui lui correspondrait vraiment éprouve un véritable coup de foudre pour Sandro (Arthur Dupont). C’est le grand amour, plus rien d’autre qui compte, les fiançailles annoncées dans la foulée et de très belles scènes d’un bonheur qui fait plaisir à voir. Sauf que (et là, autant le dire franchement, je n’ai pas plus compris que le pauvre Sandro), elle est fascinée par Maxime (Benjamin Biolay), le grand méchant loup sûr de son charme, de ses relations et de sa capacité à rebondir encore et toujours. Il fait souffrir mais il s'en fiche. Laura va jusqu’à dire qu’elle ne comprend pas pourquoi elle s’intéresse à lui alors qu’elle est amoureuse de Sandro.
Ce film est l’œuvre d’une femme qui revendique les élans du cœur et du corps. Je suis surpris de la part d’une personne qui a toujours cherché à pointer du doigt les travers de notre société. Mon impression est qu’elle (en accord avec Jean-Pierre Bacri, une nouvelle fois) exprime le fait qu’ils ont fait leur possible, mais que, comme tout le monde, ils voient comment les choses se passent bien souvent (ainsi que leurs envies profondes, puisqu’ils ne sont plus que ex-compagnons, malgré une évidente complicité persistante) et que certaines choses sont plus fortes que la morale bien pensante. Après tout, cela permettra peut-être de relativiser le mythe persistant du prince charmant et de la princesse qui lui est destinée. La réalité de l’amour est plutôt qu’on ne maîtrise pas les élans qui nous poussent les uns vers les autres. Sans compter qu’il n’y a pas que des princes charmants et de jolies princesses…
Voilà une « morale » qui rappelle celle de La ronde du grand Max Ophuls. Mais là où Ophuls mettait beaucoup d’élégance et une certaine distanciation, Agnès Jaoui nous livre un ensemble qui a tendance à partir un peu dans tous les sens, parce qu’elle aborde beaucoup de thèmes (l’éveil amoureux, la mort, le jeu de la séduction, les vraies/fausses prédictions, etc.) A noter que les reproches faits régulièrement à Bacri de toujours faire du Bacri (idem pour Jaoui) ne seront guère levés ici. On aime ou on n’aime pas. La marque de fabrique est ce bégaiement qui peut finir par agacer « Tu, tu, tu… tu vas l’embrasser la princesse ! » bégaiement qui affecte également le beau Sandro.
Au bout du compte… un film qui se veut ludique (me semble-t-il, puisque certaines scènes font vraiment rire) qui rappelle que la vie n’est pas un conte de fées. Mais (nostalgie ?), je préférais l’indignation, plutôt que ce constat un peu désabusé sur les inconstances de la nature humaine. Le message du duo Jaoui-Bacri est que, puisqu’on n’y peut rien, mieux vaut en rire qu’en pleurer. Je les préférais idéalistes et râleurs, quitte à passer pour des donneurs de leçons. Comme si derrière la beauté (quelques fondus enchainés entre un aspect peinture et une image bien nette de type photographie), la réalisatrice voulait désormais minimiser les faiblesses humaines.