Ce film était en compétition au festival de Cannes 1949 où il a obtenu le prix de la meilleure actrice (Isa Miranda) et celui du meilleur réalisateur (René Clément). Cette année-là, le Grand Prix (pas de palme d’or à l’époque) avait été attribué à Carol Reed pour « Le troisième homme » avec Orson Welles et Joseph Cotten (d’après un roman de Graham Greene).
Un homme fuit. C’est Pierre (Jean Gabin) qui se cache dans la soute obscure d’un cargo. Il n’a plus goût à la vie et refuse le sandwich qu’un matelot lui propose (Robert Dalban dans une de ses apparitions fugitives). Il apprécie quand même de la lumière. Et, comme le cargo vient d’accoster, il demande à descendre à terre. Il débarque ainsi à Gènes où il cherche un dentiste. Mais il ne parle pas l’italien. Il finit par se faire comprendre et la jeune Cecchina le guide. D’ailleurs, Cecchina l’observe se faire arracher une dent sans émettre le moindre râle. Mais Pierre s’est fait voler ses papiers et ce qu’il a comme argent se révèle être des faux billets. Fataliste, il envisage la prison.
Au poste de police, il finit par se dire que perdu pour perdu, maintenant que sa mâchoire est en état, il ferait bien un repas correct. Il suit une femme qui n’est autre que la mère de Cecchina. Celle-ci est serveuse dans un restaurant où Pierre annonce à la fin du repas qu’il ne peut pas payer. Attendrie, Marta (Isa Miranda) accepte ses billets et l’emmène avant que le patron ne découvre la supercherie.
Marta est prête à secourir Pierre, l’héberger voire mieux. Mais Marta est mariée. Avec Cecchina, elle a fui Nice et son mari violent. Une situation que le mari refuse farouchement. Pierre l’empêche in-extremis d’étrangler Marta. Il faut dire que Pierre sait ce que c’est que la violence conjugale. Les circonstances font penser qu’il suffirait de pas grand-chose pour que Pierre et Marta puissent être heureux. Cependant, la fatalité liée aux événements du passé pèse fort.
Ce film est réédité en DVD dans la collection des acteurs et actrices de légende dans une copie de qualité. Merci StudioCanal. Le film est situé en Italie en plein néoréalisme. Co-production franco-italienne, il a le mérite de rester personnel en montrant des français qui parlent français et des italiens qui parlent italiens et donc de jouer sur la difficulté à communiquer. Un des points les plus remarquables concerne la vie de la ville, montrée avec naturel.
Le plus intéressant m’a paru être le personnage de Cecchina. Au début, on a l’impression d’une gamine futée qui connaît tout le monde et détale au moindre danger. On sent chez elle une réelle fragilité, en particulier vis-à-vis de son père qui la considère comme un enjeu. Puis, on la voit observer Pierre et sentir ce qui se noue entre lui et sa mère. L’adolescente éprouve alors beaucoup de mal à se situer. D’abord fascinée par cet homme différent, elle sent sa propre complicité avec sa mère quelque peu menacée. D’un autre côté, avec Pierre elle aurait probablement un foyer plus épanouissant. Encore faudrait-il que ce couple ait un avenir. Finalement presque aussi grande physiquement que sa mère, Cecchina hésite beaucoup sur une position à adopter. Etat d’esprit mis en évidence par une dispute aussi soudaine que violente avec sa voisine et meilleure copine, quand Cecchina réalise que, malgré la discrétion déployée, sa copine est au courant que sa mère a hébergé un français la nuit précédente.
Un film court (1h23) à la mise en scène sobre, qui s’accorde bien avec les dialogues de Jean Aurenche et Pierre Bost. Mérite d’être (re)découvert.
Electron
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le 7 août 2012

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Electron

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