Le bistrot parisien "Au p'tit zouave" que tient Robert Dalban est le seul décor du film. Gilles Grangier en fait une scène de théâtre; on ne s'étonnera donc pas que les nombreux interprètes et personnages y jouent et s'y tiennent comme au théâtre...
Grangier croit-il ressusciter le cinéma populiste de Julien Duvivier, voire, à la fin, dramatisée jusqu'au grotesque, l'inspiration Carné-Prévert d'avant guerre? Toujours est-il que ses personnages populaires, d'un côté ou de l'autre du comptoir, sont des figures caricaturales et archétypales dépourvue de la moindre authenticité.
Tant que les bribes d'histoires des visiteurs et les conversations entre clients introduisent un peu d'humour en même temps que le langage de la rue, sans se prendre trop au sérieux, on veut bien leur prêter un peu d'attention. En revanche, quand le réalisateur prétend introduire de la gravité et de la "psychologie", il dévoile ses limites de cinéaste et tout ce que sa mise en scène peut avoir de lourdingue. C'est à l'image de l'intrigue subalterne du "tueur sadique à la bouteille de lait" qui sévit dans le coin et dont on a l'écho à l'intérieur du bistrot. Outre que sa résolution produira la séquence la plus stupide du film, Grangier, avec ses gros sabots, fait porter les soupçons sur chacun des personnages qui a un mot équivoque ou une mine suspecte...
En résumé, le sujet était une bonne idée; malheureusement, ses auteurs n'avaient pas le talent requis.