Albert Dupontel est de ces artistes nés d'une blessure.
Créateur sans imagination, il compense par une inventivité énergique, généreuse, où dans ce film déborde son amour du cinéma. Il a touché le jackpot, le grand projet dont il devait rêver depuis toujours, lui le comique de one man show méprisé qui osa s'aventurer sur les terres réservées aux Artistes môsieur! ( d'où cette dédicace sincère au regretté Alain de Greef ). "Le cinéma est un Grand Art voyez-vous, une Belle qui ne se donne pas à un "monstre" comme vous môsieur!"


Le Jackpot disais-je, l' argent qu'il a récolté, il nous le redonne allègrement à l' image. La direction artistique de ce film n'est pas loin d être digne de Jeunet. Ah s'il pouvait avoir réalisé son Amélie Poulain! Qu'il serait heureux notre Albert qui se démena de tous les côtés à l'instar de son Héros, Chaplin. Scénario, réalisation, acteur-narrateur, j'en passe.
Du coup il se disperse à virevolter ainsi, avec sa caméra folle de dingo du cinoche, du coup il ne fait pas mentir cet adage inventé pour Pirelli, " sans maîtrise la puissance n'est rien". ( Vous avez échappé de peu à ce que je vous l'inflige en titre de ma critique )
D'un côté il multiplie les références comme d'autres distribuent les pains ( dans vos gueules ) façon rastaquouère, Kubrick hante furieusement son début, le génie en moins, De Palma et son Phantom of Paradise , Lynch et son Elephant Man, image saisissante et réussie d' Harold Lyold. The Kid est joué par une gamine gentille poupée gavroche artificielle.
De l'autre il sous -valorise des scènes par des faiblesses de ci de là disséminées, éparpillées façon puzzle! ( un poil de scénario, de dialogue, de cadrage, de tempo, jamais tout à la fois )


Le film est splendide par son art de la métamorphose des traumatismes en sublimation. Mélange détonnant d'arnaque et de dadaïsme. Les personnages sont dessinés avec netteté, d'un trait sûr, les acteurs les font vivre avec talent et passion. Et puis j' y viens à cette blessure.
Cachée par les masques du comédien.


La Comedia del Arte sauva-t-elle le soldat Dupontel de la folie? Idée de génie de l' Artiste Albert de faire de l' Artiste dessinateur le vrai héros de cette histoire ( alors que dans le livre me dit-on ce serait plutôt Albert Maillard ) . De se faire l' acteur faire-valoir du véritable héros, qu'il maintient en vie ce monstre, avant de laisser s'envoler le papillon né de cette chenille. La scène avec la tête de cheval est tout sauf gratuite. Voilà papa ce que j'avais à te dire, l' amour n'était pas mort, et de métamorphose en métamorphose il a pu enfin être entendu, l' oiseau ainsi délivré.


Je pourrais gloser sur la révolte adolescente contre l' absurdité de la guerre, sur le talent de caricaturiste des cons que recèle Dupontel, sur ces scènes trop rapidement enlevées, escamotant l' émotion, Il est pas à l'aise le bougre, mais il essaie, il essaie, c'est beau à voir, et il ne s'en sort pas si mal à la fin même si c'est un peu raté dans la réalisation.


Dupontel est un petit diable aimant les contes de fées, un vampire chaleureux qui redonne tout ce qu'il a piqué, à sa sauce à lui d'artisan se réalisant artiste.
Mais la maîtrise Albert, la maîtrise! Tu n'en es pas si loin...Et tu ne l' atteindras peut être jamais car ton but était ailleurs...


Tu sera oublié, puis redécouvert, ce film restera ?
Je te le souhaite. Et te surnote.
Amen.

PhyleasFogg
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le 4 nov. 2017

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PhyleasFogg

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