Evoquer l'enfance malheureuse, jusqu'à lui dédier le film, donne des responsabilités. Julien Duvivier filme des jeunes filles détenues dans une maison de correction. Et le premier constat qui s'impose, hélas, c'est que ces demoiselles, délinquantes, criminelles ou cas sociaux, ne sont pas réalistes. Il ne suffit pas de leur prêter un langage rude ou argotique, de l'insolence, pour restituer l'existence sordide qu'on leur imagine ou que Duvivier suggère. Les adolescentes du film ne sont visiblement pas marquées par la vie ni par les conditions de détention; elles présentent le plus souvent un visage angélique (et maquillé) qui ne renvoie à aucune souffrance, ni vice, ni perversité.
Certes, on verra que le cinéaste, éclectique, ne revendique pas d'être dans le réalisme pur et dur. Son "roman cinématographique", pour reprendre ses termes, est édulcoré, volontairement ou pas. La dernière partie du film, lorsque Duvivier filme le village sous des inondations qui redoublent d'intensité, nous ne sommes pas davantage dans le réalisme. La submersion est comme le symbole de la colère de Dieu, qui fait écho au titre du film, ou bien celui des turpitudes humaines qui entrainent la jeunesse et desquelles il lui faut s'échapper, par l'amour probablement.
Le réalisateur donne dans la noirceur, qui est au coeur de son cinéma, et dans une dramatisation entre métaphores et théâtralité. Le style et l'esprit sont singuliers mais ils ont vieilli. Et je pense qu'il commet l'erreur de créer ce rôle de directrice tortionnaire, une vieille fille névrosée et méchante, tout juste nommée (dans une scène initiale assez grossière) et qui est comme une double peine pour des jeunes filles déjà accablées par la vie.
Duvivier dénonce les mauvais traitements et l'absence d'humanité de l'institution; mais, ce faisant, il s'éloigne du problème et de la cause plus fondamentaux que sont la misère sociale et humaine, qu'on ne perçoit jamais dans ce film...sauf chez la directrice.