Napoléon d'Abel Gance, 36ème essais

Mouais je sais pas…

Avec Austerlitz, Gance retourne une énième fois sur la thématique napoléonienne. Napoléon a traversé la filmographie de Gance et l’a accompagné au fils de l’évolution du cinéma. Son premier film sur le sujet était muet, monochromatique et nous voilà en 1959, dans un film en couleur et en scope (cette info ne sert à rien, mais je trouve ça stylé quand même.) Gance a tenté de redonner vie à Napoléon au fur et à mesure du temps, sans jamais avoir terminé son projet de raconter sa vie entière. Une entreprise de reconstitution inachevée qui ne fait qu’appuyer le côté insaisissable du bonhomme.

Cette fois il est donc question de savoir comment Napoléon est arrivé à la bataille victorieuse d’Austerlitz, en passant par son sacre d’empereur. On retrouve l’élégance et l’efficacité de la mise en scène de Gance. Les cadres sont composés, remplis, les couleurs bien agencées. Les personnages sont tous parfaitement interprétés, notamment celui de Napoléon par Pierre Bondy. On retrouve le côté ultra expressif dans le jeu des acteurs. La subtilité dans l’interprétation n’a jamais été un point fort chez Gance.

Le film souffre de plusieurs choses. D’abord, c’est long. C’est trop long parce que Gance joue la carte du bon élève qui a bien appris sa leçon par cœur en décidant d’étaler l’ensemble de ses connaissances sur sa copie. Cela donne des moments assez prétentieux comme avec le personnage de Ségur. Napoléon souligne son importance en disant que ses écrits permettront de retracer la vérité, sous-entendant que Gance s’appuie sur la vraie vérité véritable inscrite par ceux présents aux premières loges. Il cite à tout-va, appuyant des détails comme l’absence de la mère au sacre, la commande du tableau de David, la future épouse Marie-Louise évoquée rapidement…

Tant de détails qui rallongent le film inutilement. Cela débouche sur un défilé fugace de personnages/de stars qui s’enchaînent les uns après les autres. Orson Welles apparaît à deux reprises pour vendre des inventions, totalement en vain. De Sica, Jean Marais, Michel Simon, Claudia Cardinale… Tout ce beau monde passe une tête à un moment donné. Leurs rôles donnent au film l’image d’un trombinoscope de luxe. Même si ça ne sert à rien, il faut bien avouer que c’est fort sympathique de voir une telle photo de classe.

Les films de Gance ont souvent une certaine dimension mystique par leurs personnages écrasés ou muent par une force quasi-cosmique. Mais dans Austerlitz, cela dessert le film. Napoléon doit accéder aux responsabilités (le bon terme de macronniste !) quasi contre son grès, car ce serait son entourage et le peuple qui le réclament. Bon, ça transpire un peu l’adulation aveugle de la part de Gance.

C’est parti pour l’éternel débat de la représentation de Napoléon. On pourrait noter une certaine nuance dans le personnage dépeint par Gance. Napoléon a créé le code civil, il est un fin stratège, est bon avec les prisonniers, offre des pensions aux familles des morts, mais il est aussi présenté comme hypocrite, colérique, puéril, goujat, il est critiqué pour avoir sacrifié des soldats justes pour la stratégie, la fin de la bataille montre clairement la souffrance des soldats et les cris des soldats agonisants au loin sont impactant. Je ne peux pas m’empêcher de penser que Gance tombe dans une idolâtrie du personnage. Car malgré les côtés négatifs, Napoléon finit le film triomphant, épargnant la vie des prisonniers, avec ses hommes qui l’adulent. Malgré ses défauts, Napoléon est un héros magnifique. La fin du film est univoque, car Napoléon est un héros, malgré tout. Je ne dis pas qu’il faut cancel Napoléon, hein, seulement avoir un poil plus de nuance.

Plus concrètement, il y a un manque de budget. La bataille d’Austerlitz fait bon marché. Les successions de plans studios, extérieurs sont atroces. Le sacre qui est simplement raconté au travers d’un récit par un personnage penché sur une maquette passe assez mal. Mais cela offre une certaine dimension mystique à l’événement, comme quelque chose qui n’est pas représentable, quelque chose qui n’existe qu’au travers d’un récit.

En fin de compte, j’ai l’impression d’avoir vu un film de salon. On enchaîne les discussions dans des décors qui font faux. Le film fait péplum à l’ancienne. Les décors sont criards, surtout les extérieurs filmés en intérieurs, les costumes trop propres et la lumière de studio finit de détruire tout sentiment de vraisemblance. De A à Z, nous sommes dans une reconstitution artificielle. L’audace visuelle et le romantisme de Gance ont disparu. Nous voilà face à une œuvre de studio académique. C’est efficace, certes, mais la force romantique des précédents films de Gance manque cruellement.

Cineratu
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le 1 sept. 2024

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Cineratu

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