On entre dans Autopsie d'un meurtre par la musique de Duke Ellington, on peut trouver pire comme entrée en matière. Comme le nom l'indique, le film orchestrera une minutieuse reconstitution, et les longues scènes de procès seront, l'air de rien, l'occasion de dire bien des choses. Ce n'est donc pas pour rien que le film est si long, et chaque minute apparaît comme parfaitement justifiée. Au détour d'une réplique apparaîtront par exemple les clivages entre une Amérique citadine et l'autre rurale, ou la misogynie larvée de la société. Ce n'est plus tellement une passe d'armes entre avocats que deux visions du monde qui se confrontent.
A noter la même fascination qui se dégage que pour Douze hommes en colère, bien que les deux films soient très différents. Le vertige qui naît d'ériger le spectateur en tant que juge, se demandant ce que finalement le verdict aurait dû être. Le lieutenant d'Autopsie d'un meurtre est coupable, il le reconnaît bien volontiers, il n'est pas spécialement sympathique, et la conduite de sa femme est pour le moins troublante, au point qu'une part du procès cherchera à établir si oui ou non elle a dit la vérité en affirmant être violée. Alors? Est-ce que le verdict de la cour était justifié? Est-ce que la posture de James Stewart, calant sa défense sur un mensonge qu'il a lui-même encouragé, est tellement morale? Personne n'est tout noir ou tout blanc, dit-il à un témoin, et le film se construit là-dessus.
C'est toute la finesse d'Autopsie d'un meurtre, qui paraît si simple et pourtant laisse tellement de questions à se poser. Preminger est un prestidigitateur. Les yeux fixés sur ce qu'il filmait avec tant d'évidence, on a laissé de côté la réalité qu'il a fait apparaître de l'autre main.